J’ai toujours aimé voyager. La rencontre avec les autres me fascine et lorsque l’on établit un contact sincère et significatif avec une personne d’une autre culture, l’échange devient véritablement une source d’enrichissement personnel. Multipliez ce type de relation par un nombre significatif d’individus et vous obtenez une véritable transformation de la conscience collective. Il n’est cependant pas toujours nécessaire de changer de continent pour vivre une telle expérience.
Il y a quelques semaines, mon amoureuse m’a proposé d’aller au pow wow de Pikogan, près d’Amos. Ma curiosité était piquée, mais… je suis montréalais de souche, comme on dit et même si je n’ai à toute fin pratique jamais eu de contact véritable avec des autochtones, je porte en moi les traces de l’Histoire. Un mélange complexe de curiosité, d’idées préconçues, de vision de misère, d’un petit fond de culpabilité de descendant de colonisateur, en plus du triste souvenir d’une difficile nuit passée dans un hôtel de Matagami en pleine noce. Bref, je me gardais une petite gêne! Est-on réellement bienvenus dans un tel événement? Et c’est quoi exactement un pow wow?
En fait, on m’a dit que le pow wow est un lieu de rencontre, une cérémonie à caractère spirituel, culturel et social qui vise à créer des ponts entre les communautés. Nous sommes donc partis en famille avec nos deux jeunes enfants, avides, eux aussi, d’en apprendre d’avantage sur ces gens qui habitent ce pays depuis des millénaires et qui sont pour nous presque des inconnus. Dans la voiture, excités comme s’ils se rendaient au carnaval, ils scandaient bien fort « PI-KO-GAN’ PI-KO-GAN! » avec la joie contagieuse des belles sorties en famille.
Je peux dire que j’en ai eu pour ma contribution volontaire. Le temps était radieux, beaucoup de gens étaient présents, plusieurs magnifiquement parés. La journée s’est passée aux rythmes des tambours, des chants et des danses. Je dois dire que l’expérience fut mémorable. Le pow wow prend la forme d’un cercle au centre duquel de petits groupes de percussionnistes et chanteurs (dit drummers) provenant de diverses communautés se relaient pour interpréter des musiques traditionnelles. Ces chants ne sont pas un spectacle au sens où on l’entend, mais plutôt une incantation qui en appelle au courage que chacun porte en soi et une invitation à danser en tournant autour des drummers, un acte de pure fraternité. Pas une seule seconde je me suis senti mal à l’aise ou au mauvais endroit. Au contraire.
La journée fut riche en émotions. La puissance et la virtuosité des chants m’ont mouillés les yeux à quelques reprises. J’ai même dansé en communion avec nos hôtes. Mon fils aîné a été personnellement convié par l’aîné des danseurs à entrer dans le cercle, une invitation qu’il a fièrement acceptée avec toute la candeur de son âge. Là aussi… j’ai eu une petite émotion. Puisque je parle de mes enfants, eux qui sont à l’âge de l’impatience et des pleurs, ils ont été d’une bonne humeur remarquable, fascinés. Je devine que pour eux aussi, la journée aura laissé une forte impression.
Je suis heureux d’avoir vécu un pow wow et j’y retournerai certainement. Moi d’ordinaire si terre à terre, j’ai été touché profondément par ce que j’ai vécu. D’une certaine manière, c’était comme si nous prenions acte du passé et que d’un commun accord, deux peuples aux destins dorénavant indissociables acceptaient enfin de cheminer côte à côte. Pour qu’un arbre pousse haut vers le soleil, il doit d’abord avoir de larges et profondes racines. C’est tout ça un pow wow et pour un instant, j’ai senti ces racines fouiller la terre et ces feuilles embrasser le vent.