Fanny Britt sera présidente d’honneur du Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue en mai 2014, parce qu’elle est originaire d’Amos, d’une part, mais surtout parce qu’elle connait ces derniers temps un succès remarquable avec son roman graphique Jane, le renard et moi et sa pièce de théâtre Bienveillance. Elle a publié en novembre dernier un petit essai absolument réjouissant sur la maternité. Je vous  présente ici ce petit bijou qui a pour titre Les tranchées – maternité, ambiguïté et féminisme, en fragments, publié dans la collection Documents des éditions Atelier 10.

J’ai eu le bonheur de recevoir cet essai à Noël dernier, une plaquette sobre malgré sa couleur rose. Peut-être parce que j’avais tant critiqué, lorsque j’étais enceinte, la multitude de clichés et  d’images obsédantes de supermamans sexy en culotte de yoga rose pâle qui faisaient crouler les tablettes de la librairie où je travaillais. Trop peu d’ouvrages constructifs ou philosophiques se trouvaient alors disponibles sur la question, pouvant nous inspirer des façons d’être mère tout en restant soi-même, plutôt qu’un modèle excessif de maternité performance où la femme a trop peu de place dans son rôle de future mère. Voilà que Fanny Britt remédie à la situation, avec brio, et au plus grand bonheur des mères de tout âge qui se questionnent sur ce que ce statut charrie d’idées reçues.

Cet essai se présente, comme le titre le dit, en fragments : dialogue entre une fille et sa mère, correspondance entre femmes, l’une célibataire sans enfants, une autre mère de cinq, elle-même mère de deux mais de pères différents. Tous les prototypes y sont,  sans jugement ni classement. On y retrouve aussi des réflexions personnelles sur le corps postmaternité, sur le père, les pères, des billets d’humeur de postpartum, des souvenirs, des témoignages sur la perte, la rupture, le deuil d’un enfant, ou d’un frère. De grandes et de petites préoccupations, qui tissent notre quotidien de mère au gré des cycles de nos vies : pourquoi et comment être mère?

Voici un extrait : « N’est-il pas là, le plus grand paradoxe de la maternité? On veut faire des enfants, parfois jusqu’à l’obsession, jusqu’à nier la valeur de toutes les autres sphères de l’existence, et pourtant la tâche est pénible, souvent. Je ne parle pas ici du quotidien, des irritants mineurs de la routine familiale, des petites maladies ou des vies sociales amputées. Je parle de l’angoisse profonde de s’arroger la responsabilité d’un autre être humain, je parle de l’amour submergeant, tyrannique, je parle de la fièvre et du calvaire de n’avoir jamais le cœur tout à fait tranquille… Pénible, non? Non? » 

Ce qui fait la grande force de l’essai de Fanny Britt, c’est son intelligence. Pas de condescendance, pas de recette, pas de pensée magique. Les tranchées, c’est tout sauf un manuel de la bonne mère. L’auteure explore toutes sortes de facettes de la maternité, ses multiples contradictions et ses grandeurs, avec acuité, humour et une sensibilité certaine. Et la maternité sous l’angle du féminisme, ou je dirais plutôt de féminismes, à travers notre époque et celle de nos mères. Bien qu’il soit assumé comme un essai intellectuel, on le lit avec beaucoup d’émotions. C’est une lecture troublante, inspirante, percutante, éclairante, qui donne envie de remercier l’auteure. Merci Fanny Britt!


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