Les Européens sont arrivés en Amérique par erreur. Ils ont trouvé des hommes libres, de la morue, du castor. Ils ont traité plus ou moins bien avec ces peuples, puis s’étant installés à demeure, pour le bois, pour les terres, les ont combattus à mort, les ont dépossédés, les ont parqués dans des réserves (réserve de quoi ?!) et le peu qui restait, qui résistait, qui résiste encore, on les trouve bien « malcommodes ».

Thomas King est un auteur à la langue bien pendue. Il est Indien. Il manie l’histoire et les mots avec grande agilité et un cuisant sarcasme. Comment faire autrement, se dit-on quand, apprenant ce qu’il nous raconte, on prend globalement conscience de la tragédie que vivent ces peuples face à des génocidaires qui s’ignorent ou qui font semblant de n’y pouvoir rien.

La loi du plus fort. Elle a pour elle l’argent, et qui a l’argent a l’armée et la police ! Le Blanc est venu ici pour « affaires ». Et c’est le propre des « vraies affaires » de tasser du chemin tout ce qui fait obstacle. L’Indien, avec sa culture de non-propriété, son collectivisme primaire et son manque crasse d’ambition, n’était pas soluble dans le capitalisme, surtout le capitalisme sauvage. C’était donc sauvages contre sauvages. Et les plus armés ont gagné. Point. C’est ça la civilisation, non ?

Thomas King n’est pas historien patenté. Mais il connaît viscéralement son histoire. Il nous promène du Canada aux États d’Amérique du Sud, n’oubliant surtout pas les États-Unis qui déclaraient « qu’un bon Indien est un Indien mort ». Puis on a organisé l’assimilation. « Tuer l’Indien en lui pour sauver l’homme ! » Ils ont fait des excuses depuis, stipulant toutefois que cela ne devait en rien favoriser des poursuites. Obama a signé ça. On s’excuse, point. Ne passez surtout pas à go réclamer votre 200 $. Ce qui est fait est fait, débrouillez-vous avec vos morts.

L’Indien malcommode ne va pas vous plaire. Il va vous passionner si la justice vous passionne. Il va vous choquer si vous n’aviez encore rien vu. Il va vous attrister c’est sûr. Mais le pire c’est qu’il va aussi vous faire rire. À la Yvon Deschamps, en quelque sorte, tellement la brutalité de l’histoire est habillée d’oripeaux grandiloquents et mensongers, faisant croire qu’on veut vraiment, la main sur le cœur, votre bien. De ces discours, il faut retenir le seul bout de vérité, ce « on veut votre bien », car ils finissent par le prendre, forcément.

Quelques flèches pour vous en convaincre. Le sarcasme : « Oui, les Indiens mouraient de maladie et de faim en nombre rassurant. » Une vérité crue : « Dans l’histoire des relations Indiens-Blancs, il est évident que les politiciens, les réformateurs, le clergé, l’armée – en fait, tout le monde et son frère étaient conscients des ravages que leurs décisions et leurs actes auraient sur les communautés autochtones. » Et un questionnement qui nous ressemble : «  Le plus facile et le plus commode serait d’oublier qui nous sommes et ce que nous voulons être, vendre tout ce que nous avons pour argent comptant et nous fondre dans le creuset nord-américain. Avec les autres os qui y mijotent déjà. » De l’espoir aussi : «  Les cultures autochtones ne sont pas statiques. Elles sont dynamiques, adaptables et souples… »

Cette histoire est le côté sombre de notre histoire. 

Je laisse les derniers mots à Thomas King : «  La réalité de l’existence autochtone est telle que nous vivons des vies modernes, informés par des valeurs traditionnelles et des réalités contemporaines, et que nous voulons vivre notre vie à nos conditions à nous. »

C’est quand même pas sorcier !

L’Indien malcommode, Thomas King, Éditions du Boréal, traduit de l’anglais (Canada), 312 pages,  ISBN 978-27646-22599


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