À l’approche du Salon du Livre de l’Abitibi-Témiscamingue, l’Indice bohémien (IB) a interviewé l’Amossois Frédéric Gauthier (FG), le co-fondateur des éditions La Pastèque, alors qu’il séjournait en Italie pour la tenue de la Foire du livre jeunesse de Bologne, en mars dernier. La maison d’édition a célébré ses 15 ans d’existence cette année, notamment par l’entremise d’une exposition dédiée au neuvième art au Musée des Beaux-arts de Montréal (MBAM). La Pastèque se consacre à la bande dessinée, et est entre autres derrière la publication de la série des Paul de Michel Rabagliati. Dernièrement, elle a élargi son champ d’expertise et s’intéresse désormais à la publication d’œuvres jeunesse. Extraits d’entrevue.

IB : Comment un petit gars d’Amos se retrouve à fonder une maison d’édition?

FG : L’anecdote que j’ai par rapport à ça et par rapport à Amos, c’est qu’il y avait à la Bibliothèque municipale, il y a toujours eu, une sélection, un fond de bandes dessinées, adultes, ados, et aussi jeunesse, ce qui était exceptionnel pour l’époque. Il y avait tous les classiques […] ce qui, je l’ai compris plus tard, était plutôt rare dans les bibliothèques [municipales] du Québec. Des auteurs comme Tardif ou Moebius et tout ça, ça ne courait pas dans les bibliothèques. Donc, il y a quelque chose qui est né là, un peu.

Ensuite, quand j’ai travaillé à la Mouette rieuse [NDLR :librairie spécialisée qui avait pignon sur la rue St-Denis à Montréal à l’époque], j’étudiais en cinéma à Concordia, donc ce n’était pas nécessairement lié. Mais la fibre, là où la passion de la bande dessinée est réapparue à travers cette aventure-là, c’est à la Mouette. Et je pense que c’est vraiment la conjoncture de travailler là et de rencontrer les bonnes personnes aussi, qui ont mené à La Pastèque. Il y a évidemment mon partenaire Martin Brault que j’ai rencontré à cette librairie, mais aussi nos anciens patrons qui nous ont laissés créer toutes sortes de trucs à la Mouette, donc l’espèce d’esprit entrepreneurial a beaucoup été alimenté beaucoup par eux. Pour la Mouette, on faisait plein de trucs, : on allait aux États-Unis, on vendait des livres, on allait en Europe, à Angoulême et tout. Ça a aidé à avoir la liberté et l’énergie pour se lancer dans la maison d’édition.

IB : Comme un incubateur?

FG : D’une certaine façon, oui.

IB : Est-ce que le fait d’avoir étudié en cinéma a eu une influence sur l’importance accordée au récit narratif, à la trame, et au traitement de l’image — donc à la définition de la ligne éditoriale de La Pastèque?

FG : Oui. Ce qui a beaucoup aidé beaucoup aux débuts de la maison d’édition, c’est surtout que j’avais étudié en scénarisation à l’UQAM avant d’étudier en cinéma à Concordia, où j’ai beaucoup appris sur les structures narratives, effectivement, et ces choses-là. Donc, ça a aidé. Mais en même temps, on n’avait aucune expérience littéraire comme telle. Les connaissances qu’on avait étaient plus liées au marché du livre, c’était des connaissances pratiques sur la diffusion et la distribution des livres. Mais comment faire des livres et comment éditer des livres, on en avait aucune idée. On a appris sur le tas.

IB : Donc plusieurs essais et erreurs, beaucoup de persévérance, dans La Pastèque?  

FG : Oui. Et je pense que c’est un trait de caractère de la maison d’édition. On aime ça prendre des risques, on essaie des choses. De toute façon, quand on a lancé la maison d’édition, ce n’était pas du tout voué à devenir ce que c’est maintenant. C’était pour se faire plaisir, c’était par passion. Et aussi, on travaillait à gauche, à droite en même temps. On a commencé à tirer des revenus personnels de ça il y a seulement quelques années. Comme on n’était pas liés [financièrement], que ce n’était pas vital pour nous de faire des revenus pour que ça fonctionne bien, on n’hésitait pas à prendre des chances, à faire des choses très différentes. Et on se rend compte aussi que, même si on est maintenant en 2014, le milieu du livre au Québec est très jeune. Ça ne fait que 40 ou 50 ans que l’industrie existe, — même si ça fait plus longtemps que ça que des livres sont publiés au Québec — que l’industrie existe. Et le marché est très petit. Mais il y a de la place pour essayer des choses, pour l’innovation. Je trouve ça toujours fascinant de voir comment les maisons d’édition essaient de faire les mêmes livres et les mêmes affaires, alors que pourtant il y a de place pour faire des choses différentes. Donc, ça a été très, très tôt dans La Pastèque, une question de se faire plaisir et d’essayer des choses.

IB : Le côté entrepreneurial est toujours là, donc, la volonté d’innovation aussi, si on se met en contexte avec la mort de la revue Croc à l’époque?

FG : Oui. C’était beaucoup de travail. On pense que ça s’est fait facilement, mais ça fait quand même 15 ans. Et même les Paul, au début, ça a été long avant que ça débloque vraiment. Ça a pris peut-être les cinq ou sept premières années de la maison d’édition à vraiment mettre ça en place et pousser, pousser, pousser pour finalement que ça arrive, ça se développe. Et je pense que le fait qu’on ait été très, très exigeants tout au long de l’histoire de la maison d’édition sur la qualité de la production à tous les niveaux — on n’a jamais fait de sacrifice, on n’a jamais fait de livre pour faire de l’argent pour essayer de faire plus de livres — donc on a toujours gardé le cap là-dessus et à long terme, ça nous a rapporté. Les gens s’identifient à ce que l’on fait, nous reconnaissent facilement, le nom La Pastèque veut aujourd’hui dire quelque chose dans la tête des gens qui connaissent le livre, dans les médias. ÇDonc, ça a été beaucoup, beaucoup de travail de développer ça, mais je pense qu’aujourd’hui, on est dans une bonne position et on récolte les fruits d’un travail ardu. Et ça nous donne encore plus d’énergie pour essayer des nouvelles choses aujourd’hui.

IB : Parlant de fruits, d’où vient le nom de La Pastèque?

FG : La question à cent piasses! (rires) Quand on cherchait le nom, on ne voulait pas un nom qui fasse référence au médium :— case, bulle, phylactère, tout ça était éliminé tout de suite. Et puis on avait quelques mots qu’on avait retenus en «brainstormant» et La Pastèque, ça vient du livre de Richard Brautigan, un écrivain américain de la période beatnik des années 1960 que j’aime beaucoup. — C’est d’ailleurs Louise Desjardins, qui était mon prof de littérature américaine au Cégep à Rouyn qui m’a fait découvrir Richard Brautigan, —, qui il a écrit un livre qui s’appelle Sucre de pastèque. Et donc La Pastèque était dans les noms qu’on avait, et c’est lui qui a retenu l’attention :; on trouvait ça sympathique, ça se prononce bien dans plusieurs langues, je ne sais pas, c’était juste pour se faire plaisir.

IB : Vous souhaitez développer davantage la collection jeunesse, — après une première tentative mitigée avec la collection Pamplemousse par le passé. Qu’est-ce qui est différent dans l’aventure jeunesse cette fois-ci?

FG : Quand on avait commencé à faire les Pamplemousse, il y a plusieurs années, on faisait ça un peu de manière naïve, d’une certaine façon, sans trop penser au format. On a appris à travers les années que le jeunesse nécessite certaines choses, des formats, des façons de faire pour que ce soit mieux structuré. Donc, on a pris la décision d’arrêter de faire les Pamplemousse. Ce n’était pas nécessairement très stratégique, mais on s’est dit qu’on allait attendre — d’être prêts, d’être mûrs. Il y a deux ans, on a relancé le tout, parce qu’il y avait une convergence de projets qui pointaient vers ça. Et je pense qu’on avait une meilleure réputation auprès des libraires :— ils étaient prêts à ce que l’on débarque. Et aussi on s’est rendus compte que l’album jeunesse, l’album illustré, a été un peu laissé de côté par les éditeurs [québécois] importants, comme La courte échelle, Dominique et compagnie. Tout le monde s’est mis à faire plus de romans ados et de moins en moins d’albums illustrés. On ne les trouvait pas très beaux non plus, alors qu’on connaissait beaucoup de bons illustrateurs. Mais on doit être bien honnêtes, on ne pensait pas que ça allait se développer aussi vite. On pensait en faire deux ou trois la première année, et la même chose l’année d’après. Mais cette année, on risque d’en faire presque douze.

IB : Combien de titres, incluant les albums jeunesse et les BD, sortent à La Pastèque chaque année?

FG : L’année passée, on a fait 24 titres, mais cette année, on s’enligne pour en avoir 32… — c’est beaucoup! L’équipe grossit aussi, on est cinq maintenant, donc on est mieux structurés, on peut faire plus de livres. Mais on ne fait pas plus de livres juste pour faire plus de livres, c’est vraiment parce qu’on a des bons projets et que plusieurs auteurs reviennent faire des albums avec nous.C’est donc une croissance, je dirais, naturelle.

IB : Il y a beaucoup de nouveaux noms dans la BD au Québec ces dernières années. Quel a été le rôle de La Pastèque dans ce foisonnement?

FG : La Pastèque a forcément joué un rôle, mais je pense que le succès de Michel Rabagliati, qui a littéralement mis sur la mappe la BD québécoise et qui a ouvert les portes au niveau des médias, ça a fait une très, très grosse différence. Ça a mis en confiance toute une nouvelle génération. Et puis tout soudainement, ça a l’air tout à fait naturel qu’on parle de BD dans les journaux, à la télé, à la radio, alors qu’il y a quinze ans, c’était complètement impossible d’imaginer quelque chose comme ça. Dans les librairies, les choses ont aussi beaucoup changé. Les libraires ont beaucoup aidé à l’évolution de La Pastèque et de la BD québécoise. Les grandes chaînes comme les Renaud-Bray, mais aussi les petits libraires, mettent les livres bien en avant, ils sont fiers d’avoir de la bonne bande dessinée faite ici. Ça fait du bien, on a senti beaucoup d’appui. Je dirais que tous ces facteurs, et les formations créées en BD, par exemple à l’Université du Québec en Outaouais, les cinq ou six festivals et évènements de BD qui ont lieu au Québec chaque année, tout ça fait que ça croît beaucoup et vite, et que les nouveaux auteurs qui apparaissent ont accès à plus d’éditeurs, etc. Tout ça est positif et je pense que La Pastèque a joué un rôle présent là-dedans.

IB : Donc, c’est toute la chaîne du livre qui s’est laissée prendre dans le jeu de la BD, et les médias qui ont contribué à défaire l’image du geek qui lisait des bandes dessinées ou des fanzines dans son sous-sol de manière un peu anonyme?

FG : Tout à fait.! Et le succès de Michel Rabagliati, ce qui est extraordinaire avec ses livres, c’est qu’il est allé chercher un lectorat qui ne lit pas de bande dessinée. C’est un lectorat beaucoup plus littéraire, monsieur et madame tout le monde. Le lectorat de Michel, c’est comme on dit pour Tintin, c’est de 7 à 77 ans. Quand on va dans les salons, il y a des gens de tous âges qui viennent nous voir pour faire signer leur livre.

IB : Il y a le public qui lit autre chose qui s’intéresse à la BD, mais il y a aussi celui qui ne lit pas grand chose à part la BD, non? La BD rejoint donc un public très vaste?

FG : Tout à fait. En tentant de s’adresser volontairement aux lecteurs plus littéraires à La Pastèque, on savait que le lecteur BD traditionnel, qu’on connaissait bien à cause de la Mouette rieuse, ben, il allait suivre ou pas. Mais ce n’était pas avec lui qu’on allait développer l’industrie de la BD au Québec. Il faut vraiment viser un large public et donc s’adresser à des gens qui connaissent peu ou pas la bande dessinée, mais qui ont un intérêt pour des bonnes histoires. C’est comme ça qu’on a travaillé.

IB : On sent qu’il y a beaucoup de rigueur dans le processus d’édition et dans la ligne éditoriale de La Pastèque. Quels sont les critères qui font en sorte qu’une proposition passe le seuil d’édition de La Pastèque?

FG : C’est toujours très difficile de répondre à cette question-là. Je pense qu’à la base, il faut que ça nous plaise à Martin [Brault, cofondateur de La Pastèque] et à moi. Donc, on a deux visions, qui sont très rapprochées, mais qui apportent une variété parce qu’on n’aime pas nécessairement toujours les mêmes choses. Il faut donc que chaque livre passe le test d’être accepté par les deux. Ensuite, il y a une patte graphique… — c’est difficile à définir, mais on sent qu’on ne publierait pas un livre d’heroic fantasy dessiné en 18 000 couleurs avec des vaisseaux dans l’espace, ça ne fait comme pas de sens à La Pastèque, des trucs comme ça. On a orienté beaucoup vers des récits plus personnels, mais en même temps, on publie Red Ketchup, donc on ne peut pas dire que c’est que ça. Le patrimoine québécois pour nous est important, remettre de l’avant des classiques : — on ressort Gilles de la jungle. Il y a toujours eu beaucoup de talent au Québec.

Aussi, on est très proactifs pour démarrer des projets. Il y a beaucoup de maisons d’édition, en BD ou en littérature, qui vont attendre de recevoir des manuscrits et travailler à partir de ça. Nous, on provoque beaucoup de choses. On va approcher des auteurs, comme par exemple pour Jane, le renard et moi, avec Fanny [NDLR. Fanny Britt, auteure originaire d’Amos et présidente honoraire du 38e Salon du livre de l’Abitibi-Témiscamingue], ben, ça c’est moi qui ai demandé un texte à Fanny et on a démarré le projet comme ça. Si on attend que les projets nous tombent dessus, il ne se passera pas grand chose. Je dirais que là-dessus, on développe nous-mêmes notre ligne éditoriale avec des gens avec qui on a envie de travailler. Pis après, ben on bâtit des relations à long terme avec nos dessinateurs et nos bédéistes; : Michel va sortir un autre Paul l’année prochaine, Pascal Blanchet, ça fait quatre livres qu’on fait avec, etc. Il s’est bâti une espèce d’équipe de La Pastèque, 15-20 auteurs avec qui on travaille beaucoup et avec qui on aime travailler. Viennent se greffer à ça des gens et des envies littéraires et éditoriales, oui.

IB : Combien pouvez-vous recevoir d’histoires et de propositions?

FG : On en reçoit l’équivalent de trois ou quatre par jour.

IB : C’est impressionnant, ça doit être beaucoup à gérer?

FG : Ce qui arrive, c’est que comme on est diffusés en France et qu’on existe de belle façon là-bas, les Français et Européens nous envoient des trucs aussi. On en publie des Européens aussi, donc c’est normal que ça arrive. Et avec l’évolution du jeunesse, c’est pratiquement sans fin, on reçoit des projets tous les jours, sans arrêt, des textes, des livres illustrés, etc. Donc, oui, on est submergés totalement. Ce que je peux ajouter par rapport à ça, c’est qu’en quinze ans, on a publié deux manuscrits qu’on a reçus. Donc ça n’arrive pas souvent.

Généralement, on aime ça les recevoir, ça permet de suivre la relève, des gens qui nous envoient des projets qui ne sont pas nécessairement faits pour nous, mais qu’on peut diriger vers d’autres maisons d’édition ou qu’on peut simplement encourager parce qu’on sent qu’il y a quelque chose là d’intéressant : s’autopublier, faire un fanzine pour commencer, faire un blog, trouver un lectorat, travailler. On va toujours insister là-dessus, il faut vraiment mettre l’épaule à la roue et travailler, travailler, pour arriver à ce que des bonnes choses se fassent.

IB : Est-ce que vous dessinez? Je sais que Martin a « commis » deux livres à La Pastèque, — est-ce que vous-même dessinez aussi?

FG : Non. Aucunement.

IB : Est-ce que vous écrivez?

FG : Non, non, je ne manque pas de travail. J’ai étudié en scénarisation, donc oui j’ai cette fibre-là, mais je me réalise autrement. L’édition, pour moi, c’est aussi une façon créative de m’exprimer d’une certaine façon, — peut-être plus d’une manière entrepreneuriale… Mais pour moi, c’est aussi excitant et plaisant.

IB : Qu’est-ce que vous lisez? Que lisiez-vous lorsque vous étiez plus jeune, — en Abitibi, par exemple?

FG : Les meilleurs souvenirs de BD ou reliés aux livres de quand j’étais jeune sont reliés à une de mes tantes, qui vivait à Montréal et qui travaillait pour Communication Jeunesse à l’époque. Et elle m’envoyait beaucoup de romans jeunesse, les François Gravel, en fait tous les classiques d’une certaine époque, vers le milieu et la fin des années 1980. J’ai lu beaucoup de ça, les Raisins [la série de Raymond Plante], ces affaires-là, j’aimais beaucoup ça. Et je lisais aussi, je mangeais, de la bande dessinée. Quand j’étais jeune, j’étais un lecteur très ouvert et je lisais de tout, des classiques à la BD franco-belge. J’ai eu un choc quand j’ai découvert le volet de la BD adulte ou littéraire, si on veut. J’ai découvert des auteurs comme Alberto Breccia, — qui est un bédéiste argentin que j’aime beaucoup. Ça m’a ouvert des portes de voir qu’on pouvait faire de la bande dessinée avec du dessin différent, ou raconter des histoires d’une autre façon.

Ce que je lis maintenant, c’est beaucoup moins de la bande dessinée.— En fait, on en lit beaucoup, forcément parce qu’on est dans le milieu, mais il y a de moins en moins de choses qui nous tentent, qui nous intéressent, peut-être parce qu’on est rendus vraiment très difficiles. Mais je lis beaucoup de littérature, c’est très varié. Des auteurs sud-américains. J’aime aussi beaucoup la relève en édition au Québec, Le Quartanier, c’est un éditeur que je suis. J’ai des amis là-dedans, mais il y a aussi des auteurs que j’aime beaucoup. Je lis beaucoup plus de littérature que de bande dessinée.

IB : Comment vous êtes-vous insérés dans le milieu littéraire, considérant que vous faites de la BD dite « plus sérieuse »?

FG : En fait, on n’a jamais vraiment cherché à faire partie du milieu littéraire. On a toujours fait notre petite affaire dans notre coin. Et je dirais, pour mieux le connaître maintenant, que le milieu littéraire n’est pas nécessairement élitiste, mais c’est un milieu qui est un peu fermé sur lui-même. Les gens qui travaillent dans le milieu se connaissent et circulent dans les maisons d’édition, et c’est un milieu professionnel un peu hermétique. Je pense que c’est en train de changer parce que La Pastèque et plusieurs autres éditeurs sommes jeunes, éditeurs et ça change le milieu pour le mieux, disons. Et puis le milieu littéraire a fini par s’intéresser à nous, parce qu’ils n’ont pas eu le choix à un moment donné : les médias parlaient de nous sans arrêt et de belle façon, les Paul ont connu un succès monstre en librairie, donc, il y a comme un espèce d’ovni qui est apparu sur leur radar à un moment donné. Mais ça se passe bien, on est bien accueillis, on est bien traités. On fait partie de l’ANEL [Association nationale des éditeurs de livres] maintenant [depuis février 2014], on participe à Québec Édition [comité de l’ANEL dédié au rayonnement international de l’édition québécoise et canadienne de langue française]. On est très proactifs et je pense que si on veut que le milieu littéraire change au Québec, il faut s’impliquer et il faut que les jeunes prennent leur place.

IB : Avez-vous un coup de cœur vraiment marqué pour un auteur en particulier, un bédéiste?

FG : Je vais dire quelque chose d’un peu facile, mais je dirais Isabelle Arsenault, parce que c’est ma femme et que c’est la mère de mes enfants. Et je suis très fier du succès qu’elle remporte. Il y a de belles choses qui s’en viennent pour elle.

IB : Elle était d’ailleurs de l’expo au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM).  On n’en a pas encore parlé, mais comment ça s’est passé, — que La Pastèque se retrouve au Musée?

FG : Ça a été très rapide. En fait, on a proposé l’idée de faire une expo pour les 15 ans de La Pastèque. Elle [Nathalie Bondil, directrice et conservatrice en chef du Musée des beaux-arts de Montréal] a accepté tout de suite, rapidement. Et après, littéralement dans la même semaine, on est tout de suite entrés en production avec l’équipe du volet éducatif du Musée — avec Jean-Luc Murray, qui est directeur de l’éducation et de l’action culturelle au MBAM. Donc, ça a pris trois ans à se faire, à se travailler, à se développer. On en est arrivés à une super expo qui a remporté un succès incroyable. On n’a pas encore les chiffres, le nombre de visiteurs, mais ça dépasse de loin nos attentes et celles du musée. Tout le monde est complètement surpris de ça, et c’est très, très positif.

Aussi, tout ce qu’il y a eu comme couverture médiatique, surtout près de l’ouverture avec Le Devoir des bédéistes [l’édition du Devoir du 5 novembre 2013 est entièrement illustrée par des dessinateurs québécois], le cahier dans La Presse+, tout ce qui s’est passé autour de ça, c’était juste extraordinaire pour nous et même pour le Musée, qui ne pensait jamais faire autant de millage avec une expo de BD. Et puis on s’est fait un vrai beau cadeau avec le catalogue [développé pour accompagner l’exposition et qui revient sur les 15 ans d’édition de La Pastèque].