Lorsqu’en 1844, Mgr Bourget, second évêque de Montréal, a demandé aux Oblats de Marie-Immaculée de desservir Bytown (Ottawa), les Algonquins vivant dans la région du lac Témiscamingue et les chantiers forestiers du Haut-Outaouais, c’était le début d’une très grande aventure.

           

Les missionnaires Oblats vont desservir sporadiquement tout le territoire entre Mattawa et la Baie James entre 1844 et l’ouverture d’une mission permanente. Ce n’est que le 27 décembre 1862 que Mgr Guigues, premier évêque d’Ottawa, accepte qu’une telle mission s’installe sur les rives du lac Témiscamingue et, en mai 1863, les Pères Jean-Marie Pian, Louis Lebret et Calixte Mourier débarquent à la Mission Saint-Claude. Ce site fût choisi parce qu’il représente le point central du territoire sur lequel vivent les Algonquins. Situé en face du Fort Témiscamingue, c’est un lieu de rencontre très important où les Algonquins viennent faire du commerce. 

           

Le rôle des Oblats est double: évangéliser les Algonquins et faire la tournée des chantiers forestiers pour assurer le service religieux à tous ces hommes qui y vivent pendant de longs mois. À cette époque, les nombreux chantiers occupaient jusqu’à 2000 hommes répartis sur l’immense territoire. En 1872, arrivent les frères Moffet et de Bigaré qui sont responsables de l’approvisionnement de la mission. Au début, on cultive près de la mission, puis avec le nombre grandissant d’employés, de malades, d’orphelins et de visiteurs, on a besoin de plus de légumes, de céréales et de fourrage pour les animaux. On cultive alors à la Pointe-à-la-Barbe et on récolte le foin bleu à la Tête-du-Lac, mais cela nécessite beaucoup de travail pour tout transporter par bateau jusqu’à la mission. En 1874, le frère Moffet commence à défricher à la baie Kelly. Le travail y est facilité puisque les compagnies forestières ont prélevé le bois qui leur plaisait et un incendie a détruit une grande partie du canton Duhamel. 

           

En décembre 1884, à l’instigation du père Paradis, c’est la création de la Société de Colonisation du Témiscamingue. Cet organisme est une nécessité : les terres du sud du Québec sont surpeuplées et un mouvement de migration se fait vers le nord-est américain. On veut conserver nos gens chez-nous et « éviter qu’ils ne virent anglais (protestants) », comme on le disait à l’époque. Les entreprises forestières nécessitent beaucoup de personnel, mais aussi de chevaux, de nourriture et d’équipement. Il fallait tout faire venir d’en-bas. Les entreprises forestières sont donc une source de revenus très importante pour les nouveaux arrivants et un incitatif pour amener des gens à s’installer dans la région.

           

La colonisation crée un troisième mandat aux Oblats, soit celui de s’occuper de ces nouveaux arrivants tant matériellement que spirituellement. Les colons s’installent principalement dans le canton de Duhamel. L’arrivée de colons sur la rive Est du lac oblige en quelque sorte les Oblats à penser à la fermeture de la mission Saint-Claude afin d’en ouvrir une nouvelle dans la baie Kelly. Ils obtiennent la permission de Mgr Lorrain, évêque de Pembroke, et de leur supérieur à Ottawa. C’est alors la naissance de Ville-Marie.

On débute donc en mai 1886 la construction de l’église, de l’hôpital et du presbytère alors qu’un village a déjà commencé à prendre forme avec son moulin à scie et à farine ainsi qu’un bureau de poste. À l’automne 1887, on débute le déménagement et tous les résidents de la Mission sont dans leurs nouvelles demeures le 20 décembre; la première messe est alors célébrée à Noël.

La Mission, qui existait depuis 24 ans, verra quelques-uns de ses bâtiments déménagés et ceux qui resteront sur place tomberont peu à peu en ruines. De Ville-Marie, les Oblats continueront leur travail auprès des communautés algonquines et desserviront jusqu’en 1921 la paroisse de Notre-Dame-du-Nord, alors appelée Tête-du-Lac ou North Temiscaming, en plus de desservir pendant de nombreuses années les résidents de Laniel de 1920 à la fin des années 1960.

Le 1er juin 1956, Mgr Tessier, évêque de Timmins, demande aux Oblats de prendre charge d’une nouvelle paroisse à Timmins. Ceux-ci sont prêts à accepter cette demande, avec l’intention d’y construire un collège classique, à condition qu’ils abandonnent la desserte de Ville-Marie. Le 8 juin, CKVM annonce cette décision en primeur et la nouvelle soulève la colère des paroissiens. Ils soutiennent qu’une entente signée en 1917 avec les Oblats stipule qu’ils demeureront à perpétuité à Ville-Marie. Des manifestations se déroulent dans les rues de la ville et on retient dans le presbytère les trois pères Oblats desservant la paroisse, endroit d’où ils ne peuvent sortir que sous escorte de paroissiens. Une lettre est envoyée à Rome, au supérieur général des Oblats, pour que la décision soit changée. Le vent tourne et les Oblats restent et gardent les responsabilités de la paroisse, de l’école Moffet et continuent à agir comme aumônier de l’école normale, de l’hôpital et de la prison. Pendant de nombreuses années, les Oblats auront aussi la responsabilité de Guérin et de Nédélec.

Le rôle des Oblats au Témiscamingue va diminuer durant les années 1960, lorsque l’école Moffet et l’école normale cesseront leurs activités. En 2000, le Père Michel Legros agira comme dernier curé oblat de la paroisse Notre-Dame-du-Rosaire de Ville-Marie et il sera remplacé par un séculier, l’abbé Gérard Lecomte. Aujourd’hui encore, ils ont la responsabilité de Winneway.

           


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