La convergence du sport et de l’art est d’abord historique et remonte plus spécifiquement à la période qualifiée de Modernité, soit à partir du 19e siècle. La présence grandissante du sport dans les pratiques artistiques n’a dès lors cessé de s’affirmer, et ce, jusque dans les pratiques artistiques contemporaines. En effet, le sport a pris la place du religieux (Moyen Âge) et de la mythologie (Renaissance) dans l’usage récent qu’en font les artistes.

 

Le sport moderne est directement relié avec l’affirmation du capitalisme industriel au 19e siècle et plus particulièrement avec le basculement de l’élitisme vers les pratiques de masse, que l’on pense par exemple aux premiers Jeux olympiques modernes à Athènes en 1896.


Si l’on fait le parallèle entre l’intégration du sport dans les us et coutumes et l’art du 19e et du début du 20e siècle, on constate une révolution des pratiques et des définitions par la peinture de plein air. Constable (1776-1837) et Turner (1789-1862) avaient initié ce mouvement en Angleterre dès la fin du 18e siècle. Les impressionnistes donneront à la peinture l’occasion de devenir le reflet de la vie quotidienne et par là même, des occupations telles que les courses hippiques, le canotage et autres divertissements aquatiques. Le corps est exposé à la lumière, à l’effort athlétique, au plaisir des sens, à la nature.


L’essor industriel et les machines qui révolutionnent la Modernité ont pour la plupart un trait commun : la vitesse, un caractère rappelé par la devise olympique : «Plus vite, plus haut, plus fort». Cette fascination pour le mouvement et sa fulgurance est illustrée par des photographes comme Étienne-Jules Marey (1830-1904) ou Eadweard Muybridge (1830-1904), et les futuristes. La photographie et le cinéma prennent d’ailleurs le pas sur les autres pratiques artistiques dans la référence au sport et à ses illustrations. Surtout dans les années 1930 et 1940 qui voient l’utilisation du corps athlétique comme l’image idyllique de l’harmonie et de la concorde entre les hommes et signent un retour aux archétypes antiques sur lesquels des régimes tels que le fascisme et le nazisme fondent leur propagande.


Curieusement les Nouveaux Réalistes (années 1960-70) auxquels appartiennent les pop artistes ne font que très peu référence au sport. Au Québec, Serge Lemoyne (1941-1998) est un magnifique exemple de l’artiste soucieux du rapport entre art et société, entre peinture et vie quotidienne. Un autre élément crucial dans la pratique de Lemoyne et que l’on retrouve du milieu du 20e siècle jusqu’à aujourd’hui est le Happening ou la Performance.


Or en art, le sens de performance est davantage relié à performatif (qui réalise une action par le fait même de son énonciation) et non de performant (compétitif). Toutefois dans l’art comme dans le sport «la performance est un acte éphémère, réalisé en général en présence de tiers (le public), un acte qui ne produit pas d’objet hormis d’éventuelles traces documentaires, filmées ou photographiées» (Huitorel, 2005 : 34).


Les artistes métamorphosent le sport, dénoncent parfois son arrogance, dérangent ses règlements, déplacent son sens, travestissent ses formes et traditions tout en rejoignant ou devançant irrémédiablement les questions de société. Mais l’essence du lien ne résiderait-elle pas dans l’insigne beauté du geste du sportif et de celui de l’artiste?