Ce texte a pour principal objectif de préciser que l’histoire de l’art est une discipline à part entière et ce, depuis le 19e siècle. Il est important de ne pas négliger l’histoire de la constitution de ce champ de connaissance et d’expertise, de la reconnaissance universitaire séculaire de celle-ci, que l’on pense aux plus grandes universités (Cambridge, Oxford, Harvard, l’Institut National d’histoire de l’art de Paris, l’École du Louvre où l’auteur a eu le privilège d’étudier et d’enseigner).


Bien sûr l’histoire de l’art n’est pas née de la cuisse de Jupiter…quoique! Les premiers écrits sur l’art sont ceux notamment de Pausanias, géographe et écrivain grec du 2e siècle après J.-C.. Au fil des siècles, un discours sur l’art se précise, se spécialise : œuvres de philosophes, d’esthètes (Diderot, Kant, Hegel, Heidegger), d’écrivains (Stendhal, Hanna Arendt). C’est aussi grâce à la naissance des disciplines en sciences humaines telles que la sociologie et la psychologie, que les relations de l’Être avec l’art et avec l’artiste sont explorées et permettent l’émergence, la structuration et la précision de cette discipline au fil du temps.


L’histoire de l’art se situe aux confluents de l’histoire qui s’intéresse aux différents contextes sociaux, politiques, culturels d’une période donnée, et des œuvres et des artistes contemporains de ladite période, afin de ne pas s’en tenir à une seule description de ce que l’œil et les autres sens peuvent percevoir, mais d’analyser le pourquoi de l’existence de cette œuvre, son sens pour son créateur et pour la société dans et pour laquelle elle fut créée. A cela s’ajoutent des connaissances précieuses sur l’évolution des techniques : pourquoi passe-t-on d’un support de bois à une toile? De pigments naturels à des pigments synthétiques? L’évolution des techniques auxquelles les artistes recourent fait partie intégrante de l’histoire de l’art. Grâce aux recherches, c’est une discipline en mouvement : que l’on parle de découvertes archéologiques qui nous révèlent de nouvelles informations, de découvertes scientifiques qui font état des troubles de la vision de Claude Monet ou des radiographies d’œuvres qui font état des repentirs d’un artiste du 16e siècle! De déceler aussi le vrai du faux! Enfin des disciplines plus récentes viennent affiner la précision des connaissances : la sociologie de l’art, la didactique des arts, la muséologie, l’histoire du patrimoine.


L’historien de l’art se spécialise souvent selon son intérêt pour certaines périodes. Il a reçu une formation universitaire reconnue qui fait de lui un expert. Il a pour mission de poursuivre idéalement ses recherches et d’en diffuser les résultats, d’offrir un enseignement de qualité, d’exercer des fonctions de conservation et de commissariat. Il est en mesure de faire apprécier les œuvres d’un artiste non seulement en replaçant l’œuvre dans les mains de son créateur et en (re)donnant au besoin une dimension humaine à celle-ci, mais aussi en explicitant le discours de l’époque, quitte à le comparer au discours actuel. Il invite à la nuance, à la prudence des jugements de goût, au développement d’un esprit critique grâce à ses qualités d’observateur et d’analyste peaufinées tout au long de sa formation et de sa carrière.


Présenter l’histoire de l’art sous la forme d’une chronologie bien pratique mais bien éloignée du déroulement de l’histoire, de la vie, sous la forme d’une succession d’œuvres qui sont strictement lues selon des critères évolutifs de figuration et de perfection technique ne peut être qu’une amorce éventuelle à l’enseignement de cette discipline. Et prétendre qu’enseigner cette discipline ne requiert pas de formation propre est un affront à toutes celles et ceux qui ont contribué à son existence et à sa reconnaissance, à toutes celles et ceux qui l’étudient.


L’Abitibi-Témiscamingue recourra-t-elle un jour à une telle expertise, tant pour honorer cette belle discipline que pour travailler à l’écriture et à la reconnaissance d’une histoire de l’art régional? À bon entendeur!