Victor Lévy-Beaulieu a dit d’elle qu’elle était la seule écrivaine québécoise à avoir des couilles. Sauvage, amorale, sans tabou, l’écriture de Jeanne-Mance Delisle touche à la fois à ce qu’il y a de plus intime et de plus universel dans l’esprit humain : les désirs inassouvis, la souffrance, la révolte. Et tout cela dans une langue crue, franche et précise, comme la hache qui fend le bois.


Jeanne-Mance est née à Barraute un jour de St-Jean-Baptiste, entre les mains d’une sage-femme. La famille, nombreuse, possédait une modeste fermette. Les plus vieux des enfants y travaillaient, les autres ont pu aller à l’école. À la maison, sa mère savait tout faire. Elle bricolait même des petits bateaux. C’est de son père, un homme conscientisé et politisé, qu’elle tient l’amour de la lecture. Quand il n’était pas à la chasse, il inventait des histoires pour le grand bonheur de ses enfants. Malgré qu’elle ait fait l’École Normale d’Amos, Jeanne-Mance n’a jamais enseigné.


Un certain soir de 1971 au Théâtre du Cuivre de Rouyn-Noranda, tout ce qui n’est pas une création québécoise est hué par le public local. Dans ce qu’on peut percevoir aujourd’hui comme une révolution culturelle, nationaliste sans doute, l’écriture a surgi dans la vie de Jeanne-Mance Delisle. Peu de temps après, son premier monologue, Martha, a été joué et applaudi jusqu’à Québec. Une écrivaine venait de naître.


Depuis, elle écrit des nouvelles, du théâtre. En 1987, elle publie Un oiseau vivant dans la gueule, pièce avec laquelle elle remporte le Prix du Gouverneur général. La pièce a même été traduite en anglais et sera jouée en Écosse en 2013. Selon elle, son œuvre la plus réussie est La bête rouge, «parce que je suis allée loin dans les ténèbres d’une âme», raconte l’auteure. On attend maintenant un roman, quand il sera mûr. Ce sera une histoire d’amour qui s’inscrit dans le temps et dans l’espace, entre le Montana et le 51e parallèle.


En attendant, ceux qui désirent connaître mieux le travail de cette écrivaine phare de notre littérature peuvent lire Un reel ben beau, ben triste ou encore Nouvelles d’Abitibi. Plus récemment, elle a publié un magnifique texte sur l’hiver dans le recueil Nos saisons des Éditions du Quartz


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