Ça se passait l’été dernier, un soir de pluie, autour d’un feu de camp qui remplaçait le soleil. M’écoutant énumérer les événements culturels se déroulant chez nous, un ami beauceron me posa la question : C’est quoi ça l’émergence ??? Ce fut assez pour m’attiser l’esprit une partie de la nuit. Je lui répondis à peu près en ces termes :

L’émergence, c’est l’apparition de quelque chose de nouveau. C’est une création nécessaire qui se manifeste pour nous faire aller plus loin. De la même façon qu’une feuille de nénuphar gagne la surface de l’eau pour aller à la lumière, ou comme la source jaillit de l’esker. C’est l’écriture du texte, la confection des costumes, l’élaboration de la mise en scène, les répétitions, la fabrication des décors et la création d’une affiche pour la première d’une pièce de théâtre. C’est un nouveau pas de danse, un nouvel adjectif, une nouvelle façon de voir un défi et de le relever.

Il y a d’abord un rêve, une inspiration, une semence… On tient à ce que cela s’enracine pour devenir réalité. Alors, on défriche le terrain et laboure la terre : on se prépare, on parle pour gagner des appuis et avoir des avis. Lorsqu’on est rendu plus loin que les simples paroles et qu’il y a action, je pense qu’on peut alors parler d’émergence. Le rêve n’est peut-être pas encore vraiment réel, mais il se déploie.

Pour émerger, une vision a besoin du support de gens décidés à travailler en pionniers. Il faut bûcher pour voir se réaliser ces rêves qui gardent en vie. Bien sûr qu’on doit s’investir, bien sûr qu’il y a de l’ouvrage, mais ce n’est pas sur Youtube que nous allons nous accomplir concrètement. C’est ainsi que vont naître des projets d’agriculture soutenus par la communauté, une nouvelle forme de foresterie, de nouvelles saveurs régionales ou une autre manière d’envisager le développement minier. Aucune facette de notre existence n’est à l’abri d’un changement essentiel.

C’est naturel l’émergence. Il est dans notre nature d’aller plus loin, de dépasser l’ombre pour éclairer notre route. Alors, la démocratie, le jazz, le féminisme, le blues, le cinéma parlant, la danse moderne, le hip-hop, l’écologisme, le documenteur… ont fait surface dans l’univers humain. Évidemment, rien ne va éclore spontanément du jour au lendemain. Rien ne change en zappant, voilà pourquoi les projets émergents sont si précieux. Raison de plus pour soutenir ces idées nécessaires dès qu’elles nous apparaissent.

L’Indice bohémien, par exemple, paraît pour couvrir tout ce qui entoure le secteur culturel de notre région. C’est ainsi que des bénévoles s’activent pour vous faire vivre notre culture en dépit de la culture du dollar et le désert qu’elle engendre. En le tenant dans vos mains et en lisant ce journal, vous lui permettez d’émerger.

Après une nuit passée à faire crépiter nos rêves, mes camarades et moi sommes partis dormir. Il faudra être reposés pour mettre au monde tous ces projets… Heureusement, notre feu est loin, très loin d’être éteint.


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