Originaire de l’Abitibi, Roger Pellerin entre à l’école des Beaux-Arts de Montréal dans les années ’60. Durant cette décennie, il sera l’illustrateur unique de l’Infonie, un groupe multidisciplinaire reconnu pour ses happe­nings undergrounds. Aujourd’hui, l’artiste vit et travaille à l’île Népawa. C’est là que je l’ai rencontré.

 

Roger Pellerin habite presque tout au bout de l’île. La maison rose et haute de Pellerin est là, mignonne à souhait, dans la blancheur éclatante d’une neige qui n’en finit plus d’allonger l’hiver jusqu’en avril. On l’imagine tout aussi jolie à la faveur des verts de l’été, dans cette île entourée de la vastitude du lac Abitibi. Un beau chien jaune, chaleureux comité d’accueil, vient à ma rencontre. La porte s’ouvre sur un Roger Pellerin souriant.

 

C’est à l’étage du haut que Pellerin tient son atelier de gravure. L’espace n’est pas immense, mais bien utilisé. La série monochrome des 27 gravures relatant l’histoire de l’île Népawa est épinglée tout le long d’un mur. Le soin du détail étonne. Chacune des estampes réalisées à partir d’une matrice de linoléum se compose d’une quantité innombrable de traits. La matrice, on l’imagine alors hachurée; chaque blanc étant le résultat d’un trait de couteau à angle dans le linoléum. Une semaine, me dira-t-il, il faut une semaine pour réaliser chaque estampe. Roger Pellerin est un maître incontestable de la gravure sur linoléum; matériau qui lui permet des lignes fluides et allant dans tous les sens.

 

C’est par la réalisation de la miniature que son travail, déjà complexe, s’est affiné. Alors que le travail était plus impulsif et spontané, il s’est ordonné. Au fil du temps, il en est devenu à être calculé comme du papier musique. Armé d’une lunette grossissante, assis à la table où un miroir permet de bien peser le résultat une fois imprimé, le graveur monte son image patiemment en partant du bas. Et le temps fait désormais partie de l’élaboration de l’œuvre, interrompant régulièrement le travail pour prendre du recul et surtout éviter une tendinite !

 

Mais ce temps de pause n’est pas un temps chômé ! C’est qu’au sous-sol loge un autre atelier. Car l’artiste  ne se limite pas à la gravure. Sculptures, bas-reliefs, mosaïques de porcelaine cassée, coffrets de bois pour les séries d’estampes et tout récemment, émaux sur cuivre sont autant de cordes à son arc d’alchimiste. Dans ce second atelier, la cohérence de l’œuvre de Pellerin devient palpable. On retrouve cet humour mi-espiègle, mi-corrosif, d’une œuvre toujours moins naïve métaphoriquement.

 

Roger Pellerin fait partie de cette génération d’artistes qui répertorie le territoire. Il est question de la faune, de la flore, des us et coutumes, d’histoire. Et lorsqu’il aborde les relations humaines d’aujourd’hui, c’est comme s’il plaçait un miroir grossissant. L’évidence des airs de grandeur que l’on aime à se donner ne dépasse pas l’immensité des choses tranquilles d’une île appelée création.