«[…] il n’y avait peut-être pas de secret du tout, un doute à peine.» (p.129)

Fille de la région, Louise Desjardins a longtemps vécu à Rouyn-Noranda. Elle côtoie la littérature depuis longtemps; surtout connue pour son œuvre poétique (et même comme enseignante au Cégep), elle œuvre aussi comme romancière, nouvelliste, biographe et traductrice.

Dans son 4e roman et son plus récent titre, elle présente, par  les yeux d’un adolescent qui se réfugie dans son ordinateur lorsque la vie pèse un peu trop lourd, l’héritage de l’époque où le Québec s’est ouvert au monde. L’enfant, symbole traditionnel de l’innocence et de l’avenir, devient malgré lui porteur des grands idéaux des années 70 et 80 qui sous-tendent la vie de cette famille. Cette histoire cerne donc un certain milieu politique: celui des militants qui cherchaient à changer le monde et qui s’étaient fait d’ «el Che»,  lui qui avait conçu «el hombre nuevo», une figure de proue.

En commençant le récit par le point de vue de l’enfant, lors de l’absence de la mère, l’auteure donne à cet adolescent l’espace nécessaire pour réfléchir, pour s’exprimer. Au fil des pages, elle va retracer l’origine de cet enfant qui cherche à retrouver son père absent. Il réussira et sera confronté à une société qui accorde plus d’importance au bien-être de ses adultes qu’à celui de ses enfants. Le regard lucide de l’auteure lève le voile sur les petits compromis du quotidien. En ce sens, elle livre un constat d’échec: l’idéal de liberté a mené au silence. Et c’est dans ce silence que les personnages doivent se débattre.

Les personnages prennent l’avant-scène en alternance et nous livrent en même temps que leur regard sur leur entourage, leur regard sur la vie. Avec cette légèreté de la plume typique de l’auteure, les personnages sont décrits par petits coups de pinceaux, et parfois par petits coups de couteaux.

Ce livre devrait être difficile à lire autant pour l’image dure des parents du Me generation que pour les limi­tes auxquelles se heurtent les idéaux, que parce qu’il met en scène le courage et  la force de l’enfant face à des grands-parents dépassés et à une mère déconnectée préoccupée d’abord et avant tout par son petit moi. Ce serait oublier que Louise Desjardins est avant tout poète. Un livre à lire absolument.


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