J’emprunte ce titre au philosophe Michel Onfray, auteur d’un livre sur la crise des Gilets jaunes que j’ai terminé juste avant la pandémie. Onfray prend clairement parti pour les manifestants, représentants de ce peuple sur lequel s’exerce le pouvoir de l’élite : politiques, médias, financiers. Ceux qui croient que le darwinisme social est un contrat social! Il illustre une coupure nette, non plus entre la gauche et la droite ou entre les souverainistes et les mondialistes, mais bien entre le peuple gouverné et les élites qui gouvernent. Je vous suggère cette lecture pour l’été qui est enfin là. Le titre choisi par Onfray n’a rien d’insultant ou de méprisant. Au contraire. Il donne leurs lettres de noblesse à ceux qui n’ont pas le pouvoir politique, médiatique ou financier. Ce sont les sans-grades, les modestes, les gens de peu, comme le dit Pierre Sansot, philosophe et anthropologue : « Gens de peu comme il y a des gens de la mer, de la montagne, des plateaux, des gentilshommes. Ils forment une race. Ils possèdent un don, celui du peu. La petitesse suscite aussi bien une attention affectueuse, une volonté de bienveillance ». Ce sont ceux qui travaillent fort et qui ne gagnent pas les plus gros salaires, ceux qui n’ont pas de porte-voix.

Cette crise sanitaire dont nous commençons à entrevoir la fin nous aura révélé ici aussi la grandeur du petit peuple. Pendant deux mois, le Québec a été maintenu à bout de bras par ce grand petit peuple. Je parle ici des préposées aux bénéficiaires, réalisant des tâches immenses, des infirmières aussi. Je pense aux caissières et commis des épiceries, des magasins, des dépanneurs, qui nous ont permis d’avoir accès aux biens essentiels. Les livreurs aussi, les gens de ménage et d’entretien également. Ils ne gagnent pas beaucoup, ils n’ont pas les plus longues vacances, ils font des heures supplémentaires. Le projecteur a été mis sur eux peut-être pour la première fois. Les autres étaient à la maison en attente d’un déconfinement qui ne semblait jamais vouloir arriver.

On les savait nécessaires, mais ils restaient anonymes. Comme si on les tenait pour acquis. Peut-être les avons-nous aussi trop longtemps regardés de haut? Ils n’ont pas de longues études, ni même de diplôme parfois. Ils n’ont pas de condo sur le Plateau, ils ne sont pas assis aux terrasses des restaurants branchés. Ils ne projettent pas une croisière en Méditerranée. Pis encore, ils ont peut-être des idées ou une vision des choses qui ne sont pas toujours conformes à la bien-pensance des nouveaux curés qui occupent l’espace médiatique. Ils votent pour autre chose certainement… Et surtout, sont-ils du bon bord? Les médias ne renvoient jamais leur image. Ce peuple n’a pas de scène pour s’exprimer.

Nous devons tous leur dire merci. Une plaque devrait être installée dans les jardins de l’Assemblée nationale, pour qu’on se souvienne longtemps de leur travail essentiel et dévoué durant ce printemps 2020 bizarre.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.