Novembre n’est pas encore passé que déjà les rues s’illuminent d’ornements de Noël. Le catalogue Sears accroché aux boîtes aux lettres attend que des enfants impatients préparent leur lettre au Père-Noël en feuilletant la section des jouets.Si vous êtes comme moi, blonde/maman/sœur/fille/cousine/marraine/filleule/brue/petite-fille/voisine/collègue, l’angoisse commence. Une valse complexe s’annonce, entre les deux générations de familles reconstituées et les partys de bureau, où il faut souvent faire preuve de beaucoup d’imagination pour faire plaisir à tout le monde, autant pour les cadeaux que les heures de visite. Magie des fêtes, vous dites?

Par-dessus le marché, je n’aime pas magasiner. Surtout en cette période de l’année, où plus que jamais les étalages débordants me semblent vides de sens, obligés que nous sommes à témoigner de notre amour pour  nos prochains en leur offrant quelque chose. Ne vous y trompez pas, j’adore faire des cadeaux. Surtout quand les gens ne s’y attendent  pas, en fait.

Tout naturellement, je suis tombée sous le charme des marchés de Noël, parce que tout à la fois on y trouve des marchandises intéressantes et parce que ça dure une journée seulement. Une recette idéale à mon avis. Si je ne trouve pas là, je ne chercherai pas ailleurs. Je sais que la question des achats socialement presque obligatoires ne sera pas réglée cette année, surtout pas avec un éditorial qui a l’apparence d’un essai sur la simplicité volontaire. Alors je prône le compromis. Vous me voyez venir? 

Je vais partager avec vous une autre petite tranche de vie. En 2007, errant dans des contrées lointaines qui me mèneraient vers la Mongolie, chemin faisant j’ai traversé en Chine ce qu’on appelle une zone économique spéciale. Pour vous donner une idée du paysage, imaginez-vous dans un autobus, tournant pendant au moins 200 km autour de la fonderie Horne mais en pire. 200 km d’usines, de tours à logement casant de façon pragmatique les milliers d’ouvriers qui y consacrent leur vie à raison de 12 heures par jour. Pas un parc. Pas un arbre. Pas un musée. Beaucoup de fumée. De temps à autre, un complexe de salles de cinéma de 12 étages en guise d’offre culturelle. Entre les usines apparaissent des logos de grandes corporations qui trouvent pignon sur rue dans nos centres d’achats, ici en Abitibi-Témiscamingue,  et qui fournissent à des prix trompeusement dérisoires des pacotilles qui finissent dans nos bas de Noël. Je me serais crue dans un twilight zone, cet environnement hostile me paraissant encore plus surréaliste qu’un film de science-fiction. Et j’ai compris que ce qui se vend cheap a un prix, et ce prix est humain. Je n’ai plus jamais regardé les magasins à 1 piassede la même façon.

Je n’ai rien contre le fait de créer de l’emploi en Chine. Mais je sais que mon 100 $ investi en cadeau de Noël peut à la fois faire plaisir à ma mère, goûter bon, être frais et de qualité, tout en créant possiblement de l’emploi en Abitibi-Témiscamingue. Là, j’ai un petit faible. Oui, quand je mange un œuf de poule heureuse, je suis plus heureuse aussi. Que voulez-vous, on est ce que l’on mange. On devrait assumer aussi ce que l’on achète.

Et pour ne pas finir sur une note triste, je tiens à vous garantir qu’il y a plein de façons d’acheter mieux, engagé, intelligent, local, savoureux. Cette édition du journal vous en donnera un aperçu. Un certificat-cadeau pour un spectacle, un abonnement, un livre, et pour les paresseux du magasinage comme moi, un panier de produits régionaux… Une petite statistique aperçue sur les médias sociaux dernièrement indiquait que si chaque Québécois remplaçait pour 30 $ annuellement d’aliments produits à l’étranger pour le même montant en produit local, le Québec toucherait 1 milliard de dollars sur 5 ans. Ça fait réfléchir.

C’est tellement plus significatif d’offrir un cadeau dont on connait la provenance, qui est peut-être unique, qui n’a pas voyagé la terre entière pour se trouver perdu sous un sapin. Parce que Noël est surtout un symbole, en fin de compte, ce serait bien de lui donner du sens.


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