OK boomer! Sur les réseaux sociaux, c’est l’expression à la mode de 2019. On la lira encore beaucoup, malheureusement. La fameuse formule a été popularisée par une députée écologiste de Nouvelle-Zélande, Chlöe Swarbrick, 25 ans, frustrée d’avoir été interrompue en Chambre par un collègue lors d’un débat sur l’urgence climatique (frustration jumelée, peut-être, à une écoanxiété carabinée, on la plaint, la pauvre). Utilisée surtout par la génération Y, les millénariaux, et par la génération Z, elle permet de mettre fin facilement à une conversation quand on n’a plus d’argument. En gros, on dit au baby-boomer avec qui on débat : « De toute façon, vieux schnock, peu importe, tu ne comprends rien, tu es dépassé. Cause toujours! Moi, j’ai la vérité. » J’imagine qu’après on rit, on trouve la vie drôle.

C’est une forme de reductio ad Hitlerum plus douce. C’est une étiquette facile, c’est une grossière généralisation, c’est de la paresse intellectuelle. C’est surtout une preuve d’âgisme, une discrimination réelle. Le jeune qui répond ainsi à son interlocuteur plus âgé exerce une forme de censure : il considère que les propos de ce dernier ne méritent pas d’être lus ou entendus. La parole du boomer n’a plus de valeur. Il devrait se taire. Imaginez, juste un peu, quelqu’un qui écrirait : « OK, nigger! », « OK, tapette! » ou « OK, l’étrange! ». Dans l’heure, il aurait toutes les associations de défense, toutes les communautés culturelles sur le dos, et l’armée serait mobilisée au besoin!

D’autres y voient plutôt un cri de ralliement, un slogan pour une génération qui n’arrive pas à se faire entendre et comprendre, qui a traversé la crise financière de 2008, qui devra gérer la situation climatique et qui n’est pas certaine d’avoir un meilleur train de vie que ses aînés. C’est selon moi une interprétation douteuse.

Clivants, ces aînés, d’ailleurs! Les baby-boomers sont une génération bénie et honnie. Nés entre 1946 et 1964, ils ont certainement été choyés : paix durable en Occident, croissance économique historique durant trente ans, plein emploi, etc. Ils en ont profité bien sûr, comme toutes les générations l’auraient fait. Ils sont détestés par les plus jeunes parce qu’ils ont consommé les ressources et laissé la nature dans un triste état. C’est vrai. C’est plus facile, par contre, de juger après coup. On les accuse aussi d’avoir tout empoché et d’avoir laissé des miettes à ceux qui les suivaient. Pourtant, de récentes études montrent que leur situation financière n’est pas si rose et que les crises et les incertitudes des dernières années les frappent aussi. Tous les boomers n’ont pas des retraites et des REER blindés!

Ce qu’il ne faut pas oublier non plus, au Québec du moins, c’est que cette génération, née après le plus terrible conflit de l’histoire, a aussi construit notre société, certainement une des plus justes, pacifiques et généreuses au monde. Ce n’est pas rien, et les millénariaux sont les fruits et les héritiers de cette société.


Auteur/trice

Abitibien d’adoption, Valdorien depuis 20 ans, Dominic Ruel est enseignant en histoire et géographie au secondaire. Il contribue à L’Indice bohémien par ses chroniques depuis les tout débuts, en 2009. Il a été président du CA de 2015 à 2017. Il a milité en politique, fait un peu de radio, s’est impliqué sur le Conseil de son quartier et a siégé sur le CA du FRIMAT. Il aime la lecture et rêve d’écrire un roman ou un essai un jour. Il est surtout père de trois enfants.