Josée Bilodeau, auteure originaire de l’Abitibi, nous épate avec un cinquième livre touchant et profond : le roman Au milieu des vivants (éditions Hamac 2019). Il raconte les périples d’une femme endeuillée après le décès de son amant. Celle-ci entreprend alors un voyage pour tenter de vivre son deuil. Chemin faisant, la dame rencontre des personnages qui tentent de l’aider, chacun à leur manière, mais elle n’oublie pas l’homme qui occupe une place importante dans son cœur.

Pourtant, résumer ainsi ce roman ne serait pas lui rendre hommage. En effet, les péripéties vécues dans le roman ne sont qu’une toile de fond à une prose de solitude et de tristesse qu’un poème à lui seul aurait pu décrire, mais dont la longueur n’aurait pas été suffisante pour traiter du thème du temps qui passe. C’est probablement pour cela que l’histoire est écrite sous forme de roman : pourtant, on a bel et bien l’impression de lire un poème à travers ces pages. On s’immerge dans les pensées et dans les émotions du personnage, tiraillé par l’absence et les souvenirs en même temps.

La contradiction entre la solitude et la présence de son amant vient renforcer la souffrance du personnage : le passé se mêle au présent, à tel point que le personnage se sent mourir à son tour : « Ma mort ne dure jamais que quelques secondes, minutes, heures; ma mort est si courte comparée à la sienne. » On croit souvent que le temps aide à apaiser la douleur et à accepter la mort de la personne aimée : pour la femme, il s’agit plutôt d’une prison. Ni le temps, ni l’amour, ni l’amitié ne permettent de passer par-dessus son deuil, car la mort ne peut pas être oubliée. Finissons-nous par cesser de souffrir après un certain moment ou vivons-nous simplement avec la douleur? Dans ce livre, son entourage croit qu’elle va mieux, mais au fond, elle ne fait qu’avoir l’air heureuse.

Ce qui la rend encore plus soucieuse, c’est qu’elle ne peut pas vivre son deuil de manière traditionnelle, car, étant la maîtresse du défunt et non son épouse, elle ne peut pas être présente auprès de sa famille. Elle traverse cette épreuve seule, dans le secret et dans le silence, alors qu’elle était une part importante de sa vie : « Toutes ces années où nous avons été amants, la situation était compliquée : sa femme, ses fils. Maintenant qu’il est mort, ce n’est pas moins compliqué. Lui vivant, la frontière entre ses vies était poreuse; elle s’est calcifiée avec sa mort. Infranchissable et interdite. Me voilà à jamais celle qui n’a pas enterré son amour. »

En fin de compte, voyager permet à la femme de s’éloigner de la famille de l’homme qu’elle aime, mais pas de sa propre douleur. Malgré tout, il est intéressant de noter que l’histoire tourne entièrement autour du personnage de cet homme si important dans la vie de cette femme, même dans la mort. Pourtant, on ne le nomme jamais, comme un ultime secret qu’elle gardera à tout jamais. Avait-elle tant vécu dans le mensonge qu’elle ne pouvait même pas révéler le nom de celui pour qui sa vie s’est arrêtée?


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