C’est en allant visiter sa mère, qui fêtait ses 80 ans, que Bertrand Lachance a trouvé l’inspiration pour le film Y’est où le paradis? Sur le chemin du retour, lui et le réalisateur Denis Langlois se sont arrêtés chez une tante âgée qui habite avec ses deux enfants déficients âgés aujourd’hui de 40 et 50 ans. Qu’arrivera-t-il lorsqu’elle va mourir?

Cette question, née de ce court séjour en Abitibi, est demeurée en suspens et marque le point de départ du scénario du film qui sera présenté au Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue.

La tante de M. Lachance, Gaby, habite au lac Guéguen, près de Val-d’Or, avec ses enfants Michel et Sylvie, déficients intellectuels. L’idée de voir ces adultes affronter les étapes du deuil et de l’absence, lorsqu’elle viendra, les a absorbés et a nourri leurs discussions sur le long trajet du retour.

« Je suis très content du résultat parce que c’est un film très personnel. Les personnages sont un peu les mêmes que les vrais qui nous ont inspirés », explique le réalisateur.

Dans ce scénario, Samuel et Émilie, tous deux déficients intellectuels, doivent apprendre à faire face au monde après le décès de leur mère.

On leur dira que la défunte s’en est allée au paradis, ce qui évoque en eux un souvenir : elle leur répétait que le lac Matchi-Manitou était un petit coin de paradis. Les deux enfants se sauvent alors de leur famille d’accueil à la recherche du paradis où elle est partie.

« On assiste à la nouvelle famille qu’ils se créent entre eux et comment ils vivent cette étape dure de la mort de leur mère », mentionne Bertrand Lachance.

Le sujet est touchant, voire lourd, mais Denis Langlois assure que le rendu n’est pas pesant.

« En raison de leur innocence, il y a quelque chose de léger, un côté conte pour enfants presque, résume-t-il. Mais il ne s’agit pas d’un film à message ni un film de cause. Je l’ai écrit de manière un peu abstraite et puis la réalité m’a rattrapée puisque ma mère est décédée en janvier dernier. »

Dans les rôles-titres, Samuel est incarné par Maxime Dumontier (La mystérieuse mademoiselle C., Gaz Bar Blues, Tromper le silence) et sa sœur Émilie, par Marine Johnson, la jeune comédienne qui tenait le rôle principal dans le court métrage Ina Litovsky, ce qui lui a valu le prix de l’Union des Artistes de la Meilleure actrice en 2012, à l’âge de 14 ans. Marine Johnson a également décroché le rôle-titre du film La petite fille qui aimait trop les allumettes.

De nombreux défis techniques

Le film se déroule en hiver et sur la moitié des 25 jours de tournage, la température s’est située entre -10 et -25 degrés.

« Il faisait froid et les équipements gelaient. Pour les scènes de skidoo, l’équipe trainait le preneur de son dans une luge tirée par un 4X4 et pour le dernier jour de tournage, il faisait -20. On avait une scène autour d’un feu : les comédiens étaient bien au chaud, mais c’était autre chose pour les techniciens », a raconté M. Langlois.

C’est sans compter que puisque les acteurs devaient avoir l’air d’être au milieu de nulle part, il fallait éviter d’avoir les pas de toute l’équipe dans la neige… Alors plusieurs détours ont été nécessaires. Pour éviter des coups, la production a opté pour la lumière naturelle, ce qui implique de filmer à l’aube et à la brunante.

À la logistique du décor s’est greffée la préoccupation de la justesse du jeu. Veiller au bon dosage, tant dans les tics que dans la manière de parler, ont été des éléments constamment surveillés par le réalisateur.

Avant le tournage, les deux comédiens ont assisté à des cours dans un centre pour artistes déficients et la production leur avait montré des vidéos avec les cousins de Bertrand Lachance. Sa tante Gaby a d’ailleurs lu le scénario et ses enfants, Sylvie et Michel, ont été filmés en repérage.

« Denis m’a beaucoup aidé avant le début du tournage en rencontrant des intervenants qui travaillent tous les jours avec des personnes handicapées. Ça m’a donné confiance. Rencontrer des gens vivant avec une déficience intellectuelle fut un beau moment pour moi, ils m’ont touché, ils sont attachants et si vrais. C’est ce que je voulais donner à Sam : de la spontanéité, un enfant pris dans un corps d’adulte », a résumé pour sa part le comédien Maxime Dumontier dans ses notes de tournage.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.