Un  matin de  février,  peu après la Saint-Valentin… Le  froid ronge  les sens  comme le  givre  pénètre  un abri sans isolation. Sa présence  s’impose. Il est si austère  qu’on ne discerne que lui. Son règne hypnotise à la fois espace et temps.

C’est  ainsi  que  je  suis  habité  par  l’hiver  lorsqu’une  musique  parvient  à  se  faire entendre   au-delà des   claquements   de   dents.   Voilà un air   autre   que   celui, chicanier, de  la corneille. Il y a un oiseau réfugié dans le  lilas endormi au fond de la couræ. Je ne connais pas ce volatile. Mon ami Louis saurait qui il est.

Voilà pourquoi je souris, malgré tout, ce matin-là.

Fenêtres  closes,  longues  nuits  et  journées blanches.  Les  chaumières  brulent  les factures  d’Hydro-Québec.  L’hiver  glisse  sur  le  verglas,  fait  mine  de  tomber,  puis revient.  Il  est  à  l’image  de  ces  discours  que  l’on  croyait  noyés  sous  les  débâcles printanières passées. Ces  paroles mangeuses de  pensées généreuses, ces propos vengeurs  qui s’animent  dans  les eaux  noires et engourdies  d’une  époque  troublée. La nôtre? Oui, la nôtre!

Je ne peux que croire au printemps qui viendra. Croire ne fait pas  disparaitre la réalité, mais permet d’embrasser d’autres possibles. Pour le moment, j’ai froid et je me colle aux humains.

***

Un  matin  de  mars,  peu  après  Quartiers  d’hiver…  Le  froid  mordille  mains  et  têtealors que je marche sans les couvrir. Mes pensées me projettent en avant, je fais comme si on y était…

Un oiseau,  d’une  autre  espèce, avec un autre  chant, siffle  à  mon  passage  sous le bouleau  jaune  des  voisins.  Je  le  cherche  parmi  les  rayons  déjà  affirmés  de  ce  début  d’avant-midi.  Je  ne  le  trouve  pas.  Mon  ami  Louis,  lui, le  dénicherait,  le reconnaitrait et lui répondrait sans problème.

Les factures ont perdu trop peu de leurs poids. Ma fenêtre fermée se dégivre avec peine. Nous voyons un peu plus de lumière. Les fossoyeurs d’idées souriantes font moins peur, la nuit raccourcit.

Par   économie   d’énergie,   je   garde   au   frais,   pour   plus   tard,   les   élans   d’enthousiasme,  les  espoirs  sans  limites. Je sais  le  changement  tout  prêt.  J’y vois plus clair. La moindre trace d’humanité balise le courant à suivre.

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Un matin d’avril, peu après le congé pascal… L’eau coule, doucement, des gouttières aux rivières. Tout s’anime à sa suite. La première pluie tombe comme neige au soleil.  Des  chaises  prennent  place  sur  les  galeries  d’où  la  glace  est  partie. Une lumière  orangée  saupoudre  la  fin  des  journées. Les  rancunes  défraichies,  qui trainent  au  sol,  sont  mises  au  rebut.  Tout  à  l’heure,  les  plants  de  rhubarbe  tâteront  de  l’été.  La  vie,  enfin,  s’ameublit. Dans  la  rue,  les  gens  se  découvrent  et plaisantent ensemble.

Dans le  lilas bourgeonnant, un oiseau  sifflote au milieu du temps doux. Je  m’arrête, le cherche et le  trouve. Il est là, sur une branche de mon pays et nous crie de tourner dos à l’ennui.

Mon  ami  Louis,  lui,  cette  fois-ci,  est  perché  à  ses  côtés.  Et  je  m’envole  les rejoindre face au soleil!


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