Mon Nord, royaume de la faune et de la flore. Écrin au tapis moelleux de lichen, garni d’audacieuses fleurs sauvages, de champignons variés et d’abondants petits fruits. Paysage unique parsemé de milliers de lacs poissonneux, de rivières généreuses, coulant parfois au sud, parfois au nord, et harnachées pour produire de l’électricité. Terre qualifiée de Caïn, aux entrailles regorgeant d’or, de diamant, de cuivre, d’argent, de nickel et de nombreux autres métaux précieux. Trésor extirpé à coups de dynamitage et de forage, qui fait la prospérité des régions nordiques et favorise l’économie du pays.

Ici règne la majestueuse forêt boréale, composée en grande partie d’épinettes noires, ces mal-aimées. Plusieurs trouvent cet arbre sans attrait. Pourtant il tient le coup, s’accroche. Il pousse au beau milieu de nulle part, au centre de ces déserts froids du Nord. Comme l’écrit Serge Bouchard, anthropologue : «C’est au fond un arbre qui nous fait marcher. Il n’est d’imagination plus profonde que celle qui s’enracine dans la résistance et la monotonie. Voilà pourquoi l’épinette noire épouse tant de courbes de notre esprit; elle nous entretient de son silence tout en nous racontant sa vie.» (Le Moineau domestique)

D’autres essences, sapins, mélèzes, trembles, bouleaux blancs et jaunes, font partie de cette forêt à demi dévastée par de voraces compagnies forestières avec leurs machineries lourdes. Cette forêt qui s’éloigne de plus en plus des régions habitées, l’ensemencement ayant débuté trop tard. En région nordique, il faut quarante ans et plus pour qu’un arbre arrive à maturité.

En visitant la région au hasard des chemins, on découvre des paroisses avec leurs villages au clocher dominant et aux maisons rénovées ou abandonnées. Les terres, complètement habitées et cultivées autrefois par des familles nombreuses, ont été peu à peu dépouillées d’une génération. Les enfants partis, de nombreux parents suivirent, découragés par la difficile tâche de bâtir ce pays. Les plus courageux y sont demeurés, attachés à leurs souvenirs, à ce coin de terre où ils ont trouvé leur bonheur. Parmi les exilés, certains y sont revenus, reconnaissant ainsi leur véritable patrie. D’autres, pour y élever leurs enfants dans un environnement propice à leur épanouissement, où l’air pur, la vie plus calme et la nature incitent à prendre le temps de vivre. Ce Nord que l’on dit aride est devenu leur destin. Ils ont su reconnaître la beauté qui s’en dégage. On ne voit pas ici de grande richesse. C’est dans le coeur des habitants que l’on trouve des trésors, parce qu’au Nord, la froidure n’a d’égale que la chaleur humaine. Mon Nord à moi, c’est de croiser des gens comme moi, de prendre le temps de dialoguer, de les écouter se raconter. 

Quelle que soit la saison, habiter ce pays et y être heureux, c’est accepter ses particularités et les faire siennes. Chaque région a ses charmes. On affirme que le Nord est froid, isolé, désert. Pour les gens du Sud, y travailler c’est un exploit à raconter à leurs amis. Peu le font par goût de vivre dans une région dite éloignée. Éloignée de quoi au fait?

Le Canada, l’Amérique du Nord, la planète entière est magnifique. L’important c’est de l’apprécier, la protéger et d’y trouver son bonheur. Nous vivons en paix dans un endroit splendide. Heureux sommes-nous d’y être nés!

Je suis une fille du Nord, une fille de l’Abitibi.


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