Premier extrait de quatre – Une entrevue avec Yvon H Maka Couture.

 

M.P. : Vous avez publié en 1982 un Lexique français-algonquin. Vous venez de reprendre le travail et proposez le Nouveau lexique français-algonquin (2012), aux éditions Hyperborée. […] vous m’avez mentionné que votre démarche était marquée d’un effort pour retrouver la langue telle qu’elle était parlée avant certains événements qu’on peut attribuer à une forme de colonisation. Est-ce que vous pouvez expliquer la nature de ces événements et votre approche pour contourner le phénomène […] ?

 

Y.M.C. : L’algonquin est une langue agglutinante. C’est-à-dire que tu peux former de nouveaux mots en collant des mots ensemble. […] c’est une langue qui est très adaptable, mais le piège là-dedans, c’est que cette langue-là, en incorporant trop de néologismes, à un moment donné, a perdu son goût, son essence même. […] d’après la légende, ce sont les animaux qui ont appris aux humains à parler. Tu retrouves ça dans beaucoup de mots algonquins, tu retrouves les cris des animaux. […] c’est une langue qui s’est développée dans des milieux naturels, qui a évolué dans des milieux naturels. […] une langue extrêmement complexe qui comprend des milliers et des milliers de mots et d’expressions.

 

Mais la génération qui est sortie des pensionnats indiens ne parlait plus l’algonquin sauf les mots […] appris quand ils étaient petits enfants et qu’ils avaient retenus. Donc, quand ils sont sortis des pensionnats cette génération, c’était ma génération, la génération des baby-boomers, ils ont pris le contrôle de tout, ils étaient déculturés (sic) à 90 % disons. […] là avec le petit bagage d’algonquin qu’ils avaient, ils ont commencé à ajouter des néologismes et des mots de langues française ou anglaise. La langue finalement est devenue incompréhensible aux personnes plus âgées. Même il y avait un poste de radio au Lac-Simon qui diffusait en algonquin et les personnes plus âgées ne comprenaient rien de ce qui s’y disait.

 

Moi-même, ayant appris l’algonquin jeune avec mon oncle maternel et ensuite […] avec un algonquin qui venait du Grand lac Victoria, au début des années 70, je pouvais communiquer avec les gens plus âgés que moi et je les comprenais. Après ça, le nouveau parlé qu’on appelait «Lac-Simon» est arrivé, totalement incompréhensible pour les personnes qui parlent l’algonquin, la vraie langue algonquine.

 

Le Nouveau lexique français-algonquin, je l’ai fait d’une façon traditionnelle, j’ai suivi le modèle que mon oncle m’avait enseigné quand j’étais jeune. J’ai commencé avec les noms d’animaux et puis comme ça j’y ai été par l’environnement, les humains, tout ça… avec un chapitre sur la mythologie entre autres […] parce que c’est très important. Ça fait qu’on a essayé de faire revivre la vraie langue algonquine en prenant les vrais mots dans le véritable environnement où vivaient les Algonquins traditionnellement. Les Algonquins traditionnellement, ils ne vivaient pas dans des villes, ce n’étaient pas des urbains. C’étaient des gens qui vivaient en pleine nature, qui étaient parfaitement en harmonie avec la nature, parfaitement adaptés et qui vivaient entièrement de la nature, donc la langue était adaptée à cet environnement-là. (…)  

 

(Lire la suite dans le prochain numéro de L’Indice Bohémien.)


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