À Val-d’Or, il a fait changer le nom de rue Commandant pour Commanda. Il se bat contre le mot témiscabitibien depuis 9 ans pour des raisons identitaires. Il est artiste depuis 50 ans. Entrevue sur la langue avec Daniel Gagné.

É.P. : Les mots sont importants pour vous?
D.G. : La parole encore plus. Elle est plus garante de la démocratie encore.

É.P. : Que pensez-vous des anglicismes?
D.G. : J’ai fait six tournées en France et je constate que les Français n’ont pas peur de l’anglais. Au Québec, on est plus méfiants. Mais si tu regardes l’émission La Voix, beaucoup chantent en anglais. Et si les gens veulent faire du rock, c’est souvent en anglais, comme si The Doors était mieux vu que Plume Latraverse. C’est un manque de fierté, notre talon d’Achille. L’argument du citoyen du monde, je ne le trouve pas fort. La monoculture rend malade. Parler tous anglais ou chinois serait une dérive.

É.P. : Que pensez-vous des abréviations?
D.G. : On utilise des sigles comme CLSC pour sauver du temps et de l’espace. Guy Lemire (ancien secrétaire-général de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue), dans une réunion, disait aux gens de ne pas en utiliser pour qu’ils se comprennent. Quant aux textos et aux tweets, ces codes ne sont pas compris de tous. Ce qui réduit peut devenir réducteur.

É.P. : Que pensez-vous des médias sociaux?
D.G. : Il faut les saluer malgré les fautes, les anglicismes et les abréviations, car il est rare d’avoir un forum où tout le monde peut s’exprimer. Il y a des gens pas habitués d’écrire qui s’y mettent, il ne faut pas les blesser parce qu’ils font des fautes.

É.P. : Que pensez-vous de la langue à la radio?
D.G. : Pour les radios commerciales, les décisions se prennent à Montréal. Les artistes locaux ne sont pas entendus. Les radios communautaires ont peu de moyens. NRJ, c’est le syndrome du colonisé, c’est réducteur même dans son écriture. Radio-Canada se colle tranquillement sur le modèle, vit avec nos impôts, mais ne nous fait pas tourner. On investit à perte dans les outils de communication, c’est une dérive organisée.

É.P. : Que pensez-vous du nom L’Indice
bohémien?
D.G. : J’ai suggéré L’indice boréal, car avoir un symbole à nous serait important.

É.P. : Que pensez-vous du terme culturel?
D.G. : La culture c’est l’ensemble de nos habitudes, tout ce qu’on fait. Parler juste des arts, c’est un piège. Les artistes devraient être le miroir de nos habitudes. Sinon, ils tombent dans l’esthétique. Le journal ou le centre qu’on dit culturel est artistique.

É.P. : Pourquoi les mots sont-ils si importants?
D.G. : Parce que c’est notre identité. Dans 90 % des cas, le suicide est relié à des problèmes d’identité. Au Québec, on est champions du suicide et dans la communauté autochtone, c’est 17 fois plus. Les Inuits, en deux générations, ont perdu leurs repères, ne comprennent plus la langue de leurs grands-parents. L’identité : un problème pas banal.

É.P. : Justement, si on veut en savoir plus sur le cas témiscabitibien?
D.G. : On peut lire l’article de l’anthropologue Serge Bouchard au www.quebecscience.qc.ca/Abitibi-nest-pas-le-Temiscamingue et consulter mon site Internet ou mon Facebook. 


Auteur/trice