Montréal et Normétal forment un anagramme intéressant. Outre les lettres de leur dénomination, les deux municipalités partagent bien peu d’homologies. C’est ce que mon père me confirmait alors qu’il était en visite à mon appartement du quartier Parc-Extension à Montréal il y a quelques années. Il observait les passants issus des quelques 75 communautés ethniques résidantes du quartier par la fenêtre de façon respectueuse, mais non moins fascinée, en justifiant sa curiosité par un : «On en avait pas des comme ça à Normétal!» La métropole, c’est le fun pour ça, il y a une diversité incroyable. Et c’est vrai que c’est fascinant, spécialement quand t’arrives d’un milieu relativement uniforme. Depuis mon retour en sol montréalais, il y a d’ailleurs un phénomène culturel assez étrange, inexistant en Abitibi-Témiscamingue (sauf pendant le FME) qui a piqué mon attention et j’ai nommé : les hipsters.

Les hipsters, c’est une sorte de monde qui ne passe pas inaperçu. Leurs préceptes touchent un ensemble d’éléments identitaires : mode, attitude, opinions qui sont régis par un seul et unique commandement, être cool.  Ainsi, ce semble être le seul segment de la population qui bascule la très populaire théorie de la pyramide de Maslow : il faut se réaliser, d’abord et avant tout.

Pour plusieurs raisons, je trouve ce mouvement très captivant. D’abord, c’est que les hipsters sont tout sauf attachants. Ils ont la caractéristique commune d’avoir souvent l’air bête. La raison est simple : ils s’accoquinent très peu des gens de la «masse», ceux-ci étant ignorants culturellement. Les regarder avec condescendance permet de maintenir la distance avec eux. Ainsi, il y a quelque chose de péjoratif associé aux hipsters. Pas étonnant que personne ne se définisse comme tel et que tout le monde les méprise. Même eux.

Même si personne ne se déclare hipster au même titre que personne ne se défini comme avare ou mythomane, ça existe. J’en ai vus! En effet, on peut en observer différentes espèces à Montréal. Y’a des endroits et événements agrégatifs de hipsters où c’est plus facile de les voir. Pour les identifier, j’ai pensé faire une brève fiche descriptive du spécimen.

Habitat : Ils se tiennent dans des endroits atypiques ou qui présentent une culture émergente et/ou underground. C’est pourquoi on en voit beaucoup au FME. Ce sont ceux qui trouvent Patrick Watson beaucoup trop mainstream et qui prennent des photos de choses qu’ils jugent risibles et les publient sur Facebook au même instant.

Nourriture : Majoritairement végétaliens, les hipsters se nourrissent de n’importe quoi au goût difficile à cerner (ex : muffins courges et citron). Autant que possible, ils consomment leurs aliments d’une façon autre que le veut la coutume ou la convention (ex : boire du thé dans un pot Masson).

Caractéristiques physiques : Ils cultivent un look androgyne et sont généralement assez maigres. Beaucoup portent des lunettes avec de larges montures en plastique, des skinny jeans, des t-shirts avec des noms de groupes ou des titres de films dont personne n’a jamais entendu parler. Quelques-uns vivent la chose de façon plus viscérale et portent des vêtements et des coupes de cheveux que 99,9% de la population ne saurait assumer. Ils jouent parfois sur la ligne du laid et de l’indécence pour se démarquer.

Intérêts : Les hipsters s’intéressent à la musique, à la littérature et aux films dont personne n’a jamais entendu parler. Par contre, ils respectent certaines grandes icônes comme Oscar Wilde, Che Guevara, les Beatles mais pas ceux qui sont nés de leur influence.

Éléments distinctifs : Ils taponnent souvent sur un cellulaire et pratiquent le name dropping (de monde qu’on connaît pas, vous l’avez deviné).

On comprend maintenant pourquoi le phénomène n’est pas répandu en région. L’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue n’est pas adapté à leur mode de vie et le hipster y serait voué à une mort certaine. Le Polyson, le Mike’s et le Roi du Jeans ne sauraient répondre à leurs besoins.

De toute façon, ce n’est pas bien grave puisque d’une part, la région qui se démarque par son chaleureux accueil n’aurait que faire de ces êtres si froids et, d’autre part, considérant la popularité grandissante du phénomène qui interfère avec leur besoin de se différencier de la masse, je prédis l’implosion prochaine des hipsters.


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