Je m’appelle Geneviève Béland, j’ai 24 ans et je suis bigame. Mais en union libre. 

Je suis née à La Sarre, j’ai grandi à Val-d’Or, j’ai fait mon BAC à Montréal, je suis revenue travailler deux ans en Abitibi-Témiscamingue, je me suis impliquée pratiquement à temps plein ces deux mêmes années et il y a moins d’une semaine, je suis retournée habiter à Montréal. Et j’en ai bien le droit.

MYTHES ET RÉALITÉS. CONVENUS OU PAS.

Je ne trouve pas les Montréalais si stressés que ça. En contrepartie, je ne trouve pas qu’il y a tant de mouches que ça en Abitibi l’été. 

Je ne pense pas qu’il y ait de contradiction à aimer les deux.  Pour ce qu’ils sont distinctement. Parce que non, en Abitibi tu ne peux pas allerécrire un article dans un café végétalien un mercredi soir, avec un groupe de néo-rock-jazz-fusion live à l’ambiance.  Autant qu’à Montréal, tu ne peux mobiliser toute la région autour d’un projet de publication à saveur culturelle produite par et pour la localité. Bénévolement et gratuitement.

Eh oui, y a beaucoup de «pick-ups», de bars et de neige à pelleter l’hiver en Abitibi. Oui, y a du trafic, des putes et du béton à Montréal.  Ce sont des faits, c’est convenu. Qu’on s’y fasse. Ça me fait penser à tous ces Abitibiens qui se sont donné le mandat de clamer à qui voulait bien l’entendre (ou pas) «qu’ils n’avaient pas eu d’été c’t’année» les pauvres et ce, tout le mois de juillet durant. Chaque fois comme si c’était la première fois. Ce n’est pas sans me rappeler non plus les Montréalais qui prennent un malin plaisir à me faire l’analyse depuis mon arrivée des Bixis (vélos en libre-service) et la problématique de la dichotomie entre leur quantité et le nombre de bornes disponibles. Comme s’ils étaient les premiers à y penser et à m’en parler chaque fois. Y a des réalités qu’on n’est pas obligés de surexposer. Spécialement quand elles sont aussi évidentes qu’un orignal dans un pare-brise. Ou un vendeur d’Itinéraire ambitieux à Berri-UQAM.

CHOC DE LA «MONT-RÉALITÉ»

Ceci étant dit, je suis biaisée mais pas partisane. Je constate et relève les choses avec les yeux et l’expérience que j’ai. En fait, je ne vois pas comment je pourrais faire autrement.  Ainsi, avec toute ma subjectivité, je vais tenter de vous exposer comment ça se vit le choc urbain pour un Abitibien. En tout cas, le mien.

Après seulement 6 jours, je constate que les rapports à l’espace et à la familiarité sont les éléments les plus dérangés et qui demandent la plus grande adaptation pour un exilé de la région 08 dans la métropole.

Quand t’arrives à Montréal avec sa densité de 4438,7 habitants par kilomètre carré (versus 2,5 habitants par kilomètre carré pour l’Abitibi-Témiscamingue), tu te rends compte rapidement que l’ère des stationnements à 45° est révolue et que la vignette devient la divinité suprême. T’apprends aussi à nommer les lieux différemment : ce qui était «en face du Jean Coutu» devient «deux rues au nord de Laurier et une à l’est de St-Denis». Tu découvres aussi que la proximité des marchés de fruits, les plafonds de 10 pieds, les stationnements et les entrées laveuse/sécheuse, c’est comme avoir vraiment de la chance et ça fait augmenter délibérément le prix des logements.  Les standards et les critères mutent : dix minutes à pied, c’est maintenant «à côté».  En Abitibi, t’étais à 10 $ en taxi de pas mal tout.

Y a pas que les normes qui changent, les habitudes aussi. Tranquillement, tu te débarrasses de la manie de «scanner» toutes les faces en entrant dans un endroit public (d’un coup que tu connaîtrais quelqu’un). Tu ne sens plus le besoin de demander aux personnes que tu rencontres si elles sont «parentées» avec un tel qui porte le même nom de famille.  En arrivant dans la «grande ville», on se sent également d’une familiarité aliénante avec les gens qui nous entourent.  Vous lisez ici une fille qui a reçu une douzaine de roses pour un sourire offert gratuitement à l’épicerie. Ça donne une idée de la rareté du geste.

J’en aurais encore long à dire également sur les perceptions, la gestion du temps et, particulièrement, la mode. Mais je vais me laisser la possibilité de laisser mûrir ça encore… De toute façon, je vais avoir en masse de temps pour y penser pendant les heures que je vais passer dans le métro au courant des prochaines semaines. 


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