Quand je suis arrivée à Amos en 1974, le Palais de justice était encore le lieu de la cour, des jurys, des acquittements et des condamnations, tel qu’il avait été construit en 1922. De face, un large escalier, un portail imposant. Derrière : la prison. Cette masse de briques nous regarde de haut. Sa symétrie nous parle des lois qui y seront appliquées scrupuleusement.

En général, on entre dans les palais de justice à pas feutrés, en silence. On chuchote. Impressionnée. Ou on fait un détour…

Quand j’ai osé y mettre les pieds pour la première fois, il était devenu le Palais des arts Harricana et Musée d’histoire de l’Abitibi. En entrant, c’est toute l’histoire de l’Abitibi qui vient à ma rencontre, tranquillement. L’histoire des bâtisseuses et des bâtisseurs de ce pays innommé. Encore innommé à l’intérieur de moi.

C’est un soir de vernissage. Sur les murs, partout, de grandes toiles de Virginia Pésémapéo-Bordeleau. Plus loin, des oeuvres de Luc Lafrenière, une autre salle dite d’exposition permanente regroupe des œuvres d’artistes d’ici. Des photographies, des petits mots, des gens, chaleureux, absorbés, en train de boire les couleurs et les émotions exprimées par les artistes.

Combien de mains se sont appuyées aux chambranles des portes de bois précieux? Combien de sentences ont résonné entre ses murs? Je m’extasie du mélange de l’histoire, du patrimoine, de l’art. Une émotion forte secoue mes racines.

Que s’est-il passé entre ces époques pour que je sois ravie, charmée par tant de beauté? Des heures et des heures de travail. Voire de nombreuses années. D’ardeur. De rêves. Depuis si longtemps…

La renaissance du palais

Le 23 décembre 2005 est née la Corporation de la galerie d’art et du musée historique de l’Abitibi, connue sous l’appellation Palais des arts Harricana et Musée d’histoire de l’Abitibi. Sous la direction de Mme Lana Greben, de nombreux béné­voles se mettent à l’ouvrage. Depuis cette date, malgré le manque de ressources financières et malgré que les activités reposent ­presque entièrement sur le bénévolat, l’organisme réussit le tour de force de présenter plus de trois cents ­artistes en arts visuels, dans le cadre de trente-cinq expositions ayant nécessité l’organisation d’une trentaine de vernissages.

L’ancien Palais de justice a également servi à la supervision de formation d’étudiants en arts visuels, à deux lancements de livres, à la présentation de cinq spectacles, à des sessions d’informations par divers organismes de la ville. Sans compter le montage et l’organisation de l’exposition médicale, celle du Camp-école Chicobi, celle du Port d’Amos.

Tout le monde sait que le Palais présente une collection permanente inédite d’une douzaine d’œuvres de Jean-Paul Riopelle. L’été dernier, on a pu admirer une exposition des œuvres du célèbre peintre, l’une des plus importantes après Paris, St-Petersburg, Montréal et Québec. Riopelle fréquentait l’Abitibi avec bonheur. Nous le fréquentons avec le même bonheur.

Lana Greben raconte : « Avec les artistes, les membres du conseil d’administration et les bénévoles, le Palais, c’est comme notre maison ». C’est en dire long sur la convivialité, l’accueil chaleureux, la solidarité essentielle à l’organisation des rêves. Une autre histoire me touche. Celle de Lana elle-même. Partie de son Ukraine il y a cinq ans, pour suivre son amoureux amossois, après des études combinées en droit et en arts plastiques… voilà qu’elle se passionne pour l’intégration des arts dans un ancien Palais de justice et pour l’histoire de ce pays qu’elle découvre. Comme une vraie pionnière abitibienne. Comme nos mères et nos grands-mères.

Il reste à reluquer la programmation des expositions futures, les événements en cours, et aller goûter ce cocktail génial d’histoire, d’art, de patrimoine, de beauté, de grandeur… bref, de découvrir qui nous sommes vraiment.

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