Tout fébrile, je me dirige au Conservatoire de musique de Val-d’Or, un spectacle y est présenté ce 2 avril en soirée, afin de souligner le 50e anniversaire de l’établissement d’enseignement. La mise en scène est signée Alexandre Castonguay, reconnu pour son originalité et sa profondeur.
Une heure avant la présentation, je me précipite dans le hall qui est déjà bondé. Cent sièges seulement sont disponibles et je veux une bonne place… Une odeur de musicalité plane en ces lieux, la joie et l’harmonie sont palpables.
Les portes s’ouvrent. Yes, j’ai la meilleure place, près de mon amie Ariane ! Devant nous, un immense drap blanc couvre entièrement le centre de la grande salle où sont disposées en U les chaises des spectateurs. La salle est comble. Au plafond de la scène sont fixées des formes fantomatiques aux quatre points cardinaux, tels des gardiens au-dessus de nos têtes. L’interrogation du public est évidente, le mystère plane…
Le centre du drap blanc est soulevé en spirale telle la pointe d’un iceberg. Musique ! Nord, sud, est, ouest, quatre acteurs s’y tiennent, droits et silencieux. Les formes descendent du plafond : ce sont des vestes à carreaux et des robes de chambre, qui enfilent doucement leur personnage. La scène s’anime, tirée de tous côtés. Le centre du glacier fond et tournoie sur lui-même : le partage des eaux a commencé.
On assiste à une chorégraphie d’une subtile volupté de Marie-Laure Aubin, qui danse aux chants du violon en compagnie de Vincent Bussières (dit Docteur V). Deux mondes se confondent dans ce qu’on peut qualifier de maîtrise de l’art de la danse et du corps, qui convoite le monde post-punk rock. Coup de cœur !
Textes de Margot Lemire, narration d’Alexandre Castonguay, chorégraphie de Marie-Laure Aubin, qui, sous le drap, projette des formes selon la profondeur et l’intensité des mots qui prennent vie devant le public. La vie des gens d’ici ! On sent toute la puissance des formes et des mouvements de cet esker qui donne la vie.
Place à la Maudite Famille (lauréate d’Un air de famille) qui interprète l’eau, a capella ! Entrée en scène vêtue de noir, poussant un piano tel un glacier qui avance lentement sur ce Territoire du Nord. Un frisson me parcourt le corps. De véritables virtuoses au piano (Serge Nicol), à la guitare (Pierre-Louis Thérien), à la flûte traversière (Bertrand Lessard) et au violon (Louise Arpin) nous ensorcellent et nous élèvent tout au long du spectacle, et qui mettent en valeur la voix angélique d’Isabelle Trottier.
On assiste ensuite à un combat de coqs ! Tapeux de pieds de la Maudite Famille et guitare rock de Docteur V offrent au public un duel pendant lequel les belligérants se confrontent et communiquent par… le rythme ! Pur délice.
Chaque acte est précédé ou accompagné d’une narration des textes de Mme Lemire, exhumant la vie des gens d’ici, bâtisseurs d’hier et d’aujourd’hui. En parallèle, on assiste à des projections vidéo montées et réalisées par Serge Bordeleau à partir d’œuvres de Claude Ferron, Ariane Ouellet et Marie-Claude Robert. L’eau prend vie, l’eau crée des formes, les forêts surgissent… Tout ce travail est brillamment soutenu par Patrick Scott à l’éclairage et Philippe LeBel à la direction technique.
À la toute fin du spectacle, les habits des personnages reprennent leur place au plafond de la salle, alors que le mystère est résolu, et on attend l’ovation. Et quelle ovation ! Les gens ne veulent plus quitter la salle, de peur de voir s’envoler à tout jamais ce moment éphémère de pur bonheur. Spontanément, de façon improvisée, les musiciens reprennent leur poste et invitent le public à venir swinguer. Le party est pogné comme seuls les Abitibiens savent le faire !
Cinquante-deux minutes de pur délice. Les spectateurs en auraient pris volontiers trente de plus. Une heure plus tard, le hall est encore plein : on parle, on mange et on boit, question de prolonger ce moment encore un peu plus… J’ai hâte au prochain spectacle, car celui-ci me rend vraiment fier d’être Abitibien ! \