Ça y est, la nouvelle est partout, tout le monde en parle, télévision, Internet et radio, impossible de passer à côté ! Les Canadiens sont de plus en plus endettés. Les dernières statistiques en date de septembre font état d’un taux d’endettement des ménages de tout près de 168 %. Décidément, ils sont vraiment forts ces Canadiens, « un peu plus haut… un peu plus loin ». Dommage qu’on ne parle pas ici d’exploits sportifs !
Bien entendu, la nouvelle suscite son habituel bourdonnement médiatique, suivi de son lot de commentaires et d’inquiétudes. Les économistes, habituellement à l’emploi d’une banque quelconque, auxquels le commun des mortels a accès à ce moment, évoquent, pour expliquer le phénomène, la faiblesse des taux d’intérêt, qui incite les consommateurs au crédit ou encore la vigueur du marché immobilier de Toronto et Vancouver. De leurs bouches, on dirait presque une bonne nouvelle. Puis c’est au tour de la bienveillante et paternaliste litanie d’inquiétudes formulées par diverses autorités gouvernementales. On est préoccupé par la croissance de l’endettement des particuliers, on s’inquiète des conséquences possibles d’un niveau de dettes trop élevé pour l’économie et on souligne la désinvolture des consommateurs. Toutefois, on prend bien garde de ne jamais, ô grand jamais, rechercher les causes de véritables du phénomène, ce qui permettrait, qui sait, de trouver de vraies solutions au problème.
Les causes sont assez simples pourtant. Premièrement, comment reprocher au consommateur canadien moyen son manque de rigueur vis-à-vis de l’endettement ?
Réfléchissons à la question un court instant. Le consommateur moyen à des revenus réels qui stagnent depuis des années. Il est soumis en permanence à un matraquage publicitaire assourdissant qui l’incite à consommer toujours davantage. Le prix de l’immobilier ne cesse d’augmenter (prix moyen d’une maison unifamiliale à Vancouver en juillet : 1,67 million $) et dans quasiment cent pour cent des cas, la seule possibilité d’accession à la propriété est, pour le consommateur moyen, la contraction d’une hypothèque. Du crédit offert partout, pour tout, et maintenu irréfrénable par le travail acharné de toute une armée de publicitaires et de professionnels de la mise en marché. N’oublions pas, cerise sur le gâteau, des taux d’intérêt en baisse perpétuelle qui frisent maintenant le point neutre, gracieuseté de la banque centrale elle-même.
Finalement, et surtout, ceux qui ont lu les chroniques précédentes savent que nous vivons dans un système économique ou la monnaie est essentiellement privatisée. Au Canada (et ailleurs), la création et la mise en circulation des dollars, majoritairement virtuels, sont l’apanage des banques commerciales qui ne créent de l’argent que lorsqu’elles accordent un prêt. Si la seule façon de faire exister l’argent est par l’endettement, comment peut-on s’étonner encore que les ménages canadiens, tout comme l’État et les entreprises par ailleurs, n’arrivent pas à se désendetter ?
Pour la petite anecdote, j’étais dans ma voiture quand j’ai entendu la « nouvelle ». Ça m’a rappelé un vers célèbre en Abitibi que je vous livre ici en guise de conclusion : « J’ai jasé ‘ec mon instinct… Et j’ai sacré dans mon char. »\