Aujourd’hui, la place des femmes dans les domaines numériques n’est pas aussi visible et reconnue que celle des hommes. Pourtant, depuis toujours, plusieurs femmes, souvent évincées de l’histoire officielle, ont participé à la création et à l’élaboration de ces technologies numériques. Pionnières dans leur domaine, on ne leur rend tout simplement pas hommage. À titre d’exemple, au dix-neuvième siècle, Ada Lovelace invente les notions de variables et de boucles conditionnelles dans un algorithme de calcul des nombres de Bernouilli. À l’époque, elle ne publie pas son mémoire sous son vrai nom pour dissimuler le fait qu’elle est une femme, mais sous les initiales A.A.L. Aussi, pendant la Seconde Guerre mondiale, Jean Jenning Bartik, Marlyn Wescoff Meltzer, Ruth Lichterman Teitelbaum, Betty Snyder Holberton, Frances Bilas Spence et Kay Mauchly Antonelli, surnommées les programmeuses de l’ENIAC (Electronic Numerical Integrator And Computer), dirigent l’équipe de programmation de ce premier ordinateur électronique. Elles inventent des techniques de programmation, ainsi que de réparation et de correction de bogues informatiques. Ces femmes ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres.
Si on fait un état des lieux de la place qu’occupent les femmes dans les nouvelles technologies aujourd’hui, les chiffres sont explicites : celles-ci sont sous-représentées au Québec et ailleurs dans le monde. Selon Cassie Rhéaume, ambassadrice de la division montréalaise de Ladies Learning Code et responsable de la formation chez LightHouse Labs, en 2018, seulement 13 % des femmes s’inscrivent dans des filières techniques. Toujours au Québec, dans les équipes de production, 80 % des postes sont occupés par des hommes.
Malgré ces données, les femmes ont beaucoup de choses à apporter dans cet univers masculin. Sachant que les équipes de développeurs sont principalement composées d’hommes blancs hétérosexuels, on devine que ce qu’ils créent peut ne pas convenir à tout le monde. Une présence accrue de femmes dans les équipes de création permettrait d’éviter les biais de genre sur les objets technologiques. Certains se souviennent peut-être de l’agent vocal Alexa, qui disait merci lorsque quelqu’un la traitait de « salope ». On se rappelle aussi qu’en 2014, Amazon utilisait l’intelligence artificielle (AI) pour sélectionner les CV des candidats au recrutement. Après un an, le projet a été interrompu lorsqu’on a constaté que l’IA avait une prédisposition à écarter les CV des femmes. Il ne faudrait pas accuser l’IA, mais plutôt la culture d’entreprise qu’elle reflète. On observe une transmission des préceptes et des mœurs de la masculinité hégémonique dans le monde des nouvelles technologies.
Il serait dommage de passer à côté de produits en adéquation avec les besoins de la population québécoise, sachant qu’en 2016, selon Statistique Canada, les femmes représentaient 50,3 % de la population. Voici donc quelques initiatives pour favoriser leur apport et leur présence dans les technologies numériques. Il existe plusieurs associations ou organismes qui permettent de démocratiser les nouvelles technologies auprès des jeunes filles et qui encouragent celles-ci vers des études ou des carrières technologiques : Les filles et le code, Les Scientifines, etc. Les programmes de mentorat, les bourses ou les prix qui s’adressent aux femmes ainsi que les réseaux féminins comme le groupe Facebook Les filles du web au Québec sont des moyens de faire valoir le travail de ces femmes. Au Québec, certains organismes promeuvent la place des femmes dans ces domaines comme Pixelles pour l’univers des jeux vidéo. Au-delà de ces mesures d’équité, il ne faut pas oublier que le problème est plus profond, c’est un problème de société. Il faut donc changer le système et les institutions qui le composent pour en finir avec la division sexuée du travail.