« Le gouvernement est déterminé à faire du Québec une terre d’accueil privilégiée pour [les minéraux critiques et stratégiques]. » (Le Plan, p. 45)
À l’automne dernier, la CAQ dévoilait son Plan pour la valorisation des minéraux critiques et stratégiques, jetant ainsi les bases de sa stratégie pour positionner le Québec comme un leader pour la production, la transformation et le recyclage des minéraux maintenant considérés « critiques » et « stratégiques » (MCS). Au nombre de 22 – parmi lesquelles figurent notamment le lithium, le nickel, le graphite et le cuivre – plusieurs d’entre eux sont au cœur des avenues envisagées pour la nécessaire réduction de notre empreinte écologique à court et à moyen terme, via notamment l’électrification des transports.
Relevant plus de l’argumentaire de vente que d’une réelle volonté de fixer des cibles concrètes et contraignantes pour une transition climatiquement payante, ce positionnement de Québec a à tout le moins le mérite de relancer le débat sur la place de l’industrie minière dans notre région. Particulièrement à l’heure où la course planétaire au lithium, pour ne nommer qu’elle, se matérialise toujours plus concrètement ici.
C’est que par-delà cette nouvelle hiérarchisation des minéraux aux nobles échelons de critiques et stratégiques, résonne le peu de justifications des autres exploitations qui elles, ne le sont pas. Ces minéraux qui ne sont ni stratégiques ni critiques dans la lutte contre la crise climatique, mais qui demeurent les principaux moteurs de l’industrie dans la région. Pensons à l’or et à l’argent qui abondent en Abitibi et qui, en 2019, représentaient près de 98 % de la masse des minéraux extraits du ventre abitibien avec leurs quelque 3,5 millions de tonnes, selon des chiffres compilés par le REVIMAT. Les MCS, eux, se partagent le reliquat, à peine 2 %, du haut de leurs 71 000 tonnes.
Cette dualité parle d’elle-même. Et pourtant, partout sur le territoire se multiplient les projets aurifères (extensions, reprises, découvertes). La dernière édition de Vos mines vous parlent, une publication du journal Le Citoyen, n’hésitait d’ailleurs pas à parler de « la nouvelle ruée vers l’or » pour résumer cette vivacité. Conjuguée à l’appétit vorace de l’industrie pour les minéraux de la transition, il y a de quoi s’inquiéter pour la capacité de support du territoire.
Il faut le dire, le tableau des projets des « minéraux de la transition » d’ici n’a rien de rassurant. Sans entrer dans les détails, rappelons seulement que la mine de lithium de La Corne est encore à l’abri de ses créanciers depuis mai 2019, et qu’elle s’est illustrée avant cela par de nombreux déversements dans l’environnement. De l’autre côté du fleuve Harricana, le projet Authier de Sayona Mining – à un jet de pierre de l’esker Saint-Mathieu-Berry – fait déjà piètre figure, avant même d’espérer voir le jour. Alors qu’on célébrait, il y a peu, les deux ans de la mise en demeure du Comité citoyen de protection de l’esker qui a intimé au ministre de l’Environnement de soumettre ce projet à l’examen du BAPE, la compagnie minière peine toujours à fournir des études d’impact sans lacunes aux ministères. Et si ce n’était que ça : l’analyse du projet par les fonctionnaires de l’État confirme à chaque occasion que le site du projet est un véritable joyau, abritant, selon les biologistes du ministère de l’Environnement, « une biodiversité particulière, peu répandue sur le territoire de la plaine argileuse de l’Abitibi », où évoluent des « espèces fauniques peu répandues en région ».
Dès lors, l’avenue collectivement de plus critique et stratégique qu’il nous reste à emprunter nous ramène à La Motte, sur le lieu, pour le vivre, l’occuper, le célébrer, le protéger. Bonne nouvelle, le Collectif des Pas du lieu, tout juste créé, nous y convie tous les dimanches à 13 h 30 avec ses départs à la découverte de la forêt de l’esker.
Car si nous perdons de vue que tous ces sprintsminiers – incluant ceux vers l’or et les « minéraux verts » – assiègent l’âme de territoires bien réels, aussi fragiles qu’indispensables, ici comme ailleurs, le prix à payer en Abitibi pour la transition risque fort bien de se compter en champs de désolations immuables plutôt qu’en champs de solutions cultivables.