Le gouvernement du Québec a rempli son mandat de protéger 17 % des milieux naturels du territoire québécois avant la fin de 2020. Au Canada, seule la Colombie-Britannique y est aussi parvenue. Certains s’en réjouissent, alors que d’autres accusent le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs d’avoir insisté pour que les aires protégées soient choisies en fonction de l’intérêt économique qu’elles pouvaient représenter. Y aurait-il un « mais » à cette bonne nouvelle?
LA CRAINTE DES ÉCOLOGISTES
À la fin de 2020, il y a eu une course contre la montre pour respecter la Convention sur la diversité biologique des Nations unies, qui stipulait que 17 % du territoire québécois devait être protégé. Or, cette même convention mentionne également que les aires sélectionnées doivent être représentatives des différents milieux protégés. Cependant, moins de 1 % se trouve au sud du 49e parallèle, soit loin des populations des villes qui pourraient causer de réels dommages à ces environnements. Par ailleurs, l’objectif de protéger des portions du territoire, selon Henri Jacob, président de l’Action boréale, serait de faire de la recherche et de permettre à l’environnement de se régénérer par lui-même, un objectif qui ne serait pas atteint actuellement.
Quant à la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec), représentée par Alain Branchaud et Pier-Olivier Boudreault, elle juge que les aires choisies sont de qualité, mais que le gouvernement pourrait facilement protéger jusqu’à 22 % du territoire d’ici 2022. En effet, depuis une douzaine d’années, différents mouvements citoyens et environnementaux, en collaboration avec les populations autochtones et locales, travaillent à la mise en place d’aires protégées. La plupart de ces 83 projets sont déjà prêts : il ne manque que de la volonté politique.
UN GOUVERNEMENT RASSURANT
Le gouvernement, de son côté, se veut rassurant. Au ministère de l’Environnement de Benoit Charrette, on affirme : « L’atteinte de nos cibles en 2020 n’est pas une fin en soi. Dans le contexte de l’atteinte de la cible de 17 %, il y a des choix qui ont été faits et il est normal que toutes les propositions n’aient pas été retenues à ce moment ». Très fier que la superficie d’aires protégées soit aussi vaste que le Royaume-Uni, soit 257 000 km2, on ajoute que les intérêts financiers n’ont pas été déterminants dans la prise de décision, ce qui contredit les paroles du ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Pierre Dufour, qui affirme avoir été guidé par « la préoccupation de minimiser les impacts socioéconomiques sur les communautés dépendantes de la mise en valeur des forêts ». De plus, le ministre souhaite que l’industrie forestière québécoise se développe dans les 60 prochaines années, ce qui aura un impact majeur sur les troupeaux de caribous, malgré sa promesse de les protéger.
Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs aussi souhaite rassurer la population. Avec la loi 46, semblerait-il, de nouveaux projets pourraient voir le jour grâce aux nouveaux statuts qu’elle offrira : actuellement, beaucoup des aires protégées sont en fait des réserves de territoire aux fins d’aire protégée (RTFAP) en attente de statuts officiels. Or, selon M. Jacob, le risque réside dans la création de l’un des statuts, les aires protégées d’utilisation durable, sur lesquelles des activités économiques telles que la coupe du bois seront permises. Il craint que le gouvernement n’utilise des décrets pour augmenter graduellement le pourcentage des aires protégées pouvant être exploitées à des fins commerciales. Il est à noter qu’on peut actuellement faire des activités récréotouristiques dans la plupart des aires protégées, ce qui n’est pas dénoncé par les écologistes lorsque l’humain demeure respectueux de l’environnement.
L’IMPACT EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE
En 2002, l’Action boréale a proposé une carte des territoires pouvant être protégés en Abitibi-Témiscamingue. Henri Jacob explique : « Quand on a commencé, en l’an 2000, il y avait 0,4 % du territoire de l’Abitibi qui était protégé, c’était le parc d’Aiguebelle ». En protégeant ces territoires, 12 à 25 % de l’Abitibi-Témiscamingue aurait pu être transformé en aire protégée. En créer davantage aurait permis de sauvegarder des espèces en danger, telles que le caribou de Val-d’Or. Certains projets ont vu le jour depuis, mais avec le parc d’Aiguebelle, cela représente environ 7 % du sol témiscabitibien, alors que 4 % du territoire en plus pourrait facilement être transformé en aires protégées.
L’idéal, cependant, serait que chaque région protège environ 17 % de son territoire en tenant compte de différents facteurs tels que la superficie du territoire protégé et sa représentativité par rapport aux sols et aux aires marines. Par ailleurs, avec le nouvel objectif du gouvernement de protéger 30 % de son territoire, il faudrait plutôt protéger une portion équivalente de la région.