PHILIPPE MARQUIS

C’est un art qui saisit le moment et le fixe en deux dimensions : voilà la définition que j’oserais donner à la photographie. Elle est fort simpliste, j’en conviens. Quand on a annoncé le thème du cahier de février 2025, j’ai songé aux photos qui me sont chères. 

Il y a celle de ma fille et de moi, prise par Christian Leduc en 2005. Une enfant de dix mois, dans les bras de son père, qui lui fait un « tope là » alors qu’il a l’eau jusqu’à la taille. Ça se passait au lac Vaudray. 

Cette autre, de ma mère, alors que ses trois garçons âgés de trois à sept ans posent sur une table de pique-nique. Ils affichent un air solennel, comme s’ils sentaient que ce moment allait les accompagner leur vie durant. Peut-être aussi parce qu’on ne reprenait pas les photos à cette époque. 

La plus spectaculaire a été réalisée par le regretté Maurice Boudreau, un glacial matin de février 1985. On y voit sept tentes installées sur le lac Osisko, avec les cheminées de la fonderie Horne en arrière-plan.  

Des photos personnelles de fêtes, de rencontres, de mariages qui ornent des albums en voie de disparition ou qui tapissent les mémoires virtuelles, vous en avez sans doute en tête qui suscitent toute la palette des émotions. 

D’autres aussi, plus mythiques, hantent la mémoire humaine. Des enfants vietnamiens fuient un bombardement au napalm sous l’œil de soldats américains. Les tours jumelles de New York qui s’effondrent. Le corps d’un petit garçon d’origine syrienne échoué sur une plage turque. Un étudiant chinois qui barre la route à un tank sur la place Tian’anmen. Libre à vous d’en énoncer d’autres, mais n’oubliez surtout pas l’image de notre planète captée par l’équipage d’Apollo 8. 

Le berceau de la vie vu de l’espace. Cet astre improbable, éclairé juste à bonne distance par une étoile et accompagné d’une lune près de laquelle la captation a été réalisée. Ce globe qui porte un miracle apparaît au milieu du vide. On ne le voit pas tourner sur lui-même et nous ne pouvons pas nous douter qu’il se déplace autour du soleil sur cet instantané. Les marées des océans ne peuvent se deviner, pas plus que les mouvements des formations nuageuses. Et comment savoir qu’il a un cœur en constante ébullition? L’image ne peut tout raconter. 

Puis il y a une fragile humanité qui devrait prendre beaucoup de place dans ce portrait… On ne la distingue pourtant pas, c’est dire à quel point elle est peu de chose. Est-ce si « cliché » de rappeler sans cesse la tendre beauté dont nous dépendons? 


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