LISE MILLETTE

Il suffit parfois de revisiter nos passions d’enfance pour trouver la trace de ce qui forgera l’intérêt principal ou le fil conducteur de toute une vie. Ce principe colle tout à fait à Geneviève Lagrois, photographe de Val-d’Or, qui reconnaît que la photo a rapidement fait partie de son quotidien. « Déjà petite, j’aimais prendre des photos. En voyage, je ne comprenais pas pourquoi mes photos étaient floues quand je tentais de photographier par la fenêtre de la voiture en mouvement », rigole-t-elle. 

Un peu plus tard, c’était aussi toujours elle qui apportait son appareil pour prendre des photos avec des amis. « Et je tirais mes impressions en double et en triple pour les partager », insiste-t-elle. 

C’était bien avant l’ère de l’instantané, du cliché qu’on reprend parce qu’on a les yeux fermés ou qu’on se dit insatisfait. L’époque voulait qu’on découvre la photo, une fois la pellicule développée. Néanmoins, l’effort de capture était bien là. 

« C’est comme si j’avais déjà cette conscience de l’importance de garder des souvenirs pour des moments passés ensemble », croit celle qui a fait de ces instants la trame de sa carrière photographique. 

Gracieuseté : Geneviève Lagrois

UNE PASSION CONFIRMÉE SUR LE TARD 

Bien qu’elle ait cultivé et nourri un intérêt pour la photo depuis l’enfance, ce n’est qu’à 31 ans qu’elle décide d’en faire un véritable métier et qu’elle quitte temporairement la région pour suivre une formation au Collège Marsan. « J’avais 31 ans. J’ai été assistante et j’ai fait de l’infographie chez Zone image, mais je n’avais pas de métier à proprement dit. J’ai tout quitté pour suivre un cours de photographie à Montréal pendant 14 mois », précise Geneviève Lagrois. 

Elle revient ensuite dans la région en 2011 et décide de louer un local à Val-d’Or, à l’étage de ce qu’est aujourd’hui le magasin Joubec. 

Février 2025 marquera les 15 ans de l’obtention de son diplôme en photographie. 

UNE PASSION POUR LE PORTRAIT 

De toutes les formes de photographies, Geneviève Lagrois ne cache pas sa préférence. « Pour moi, ça a toujours été le portrait. Je prends rarement des paysages ou l’architecture : il me faut des gens et créer des ambiances. Les enfants, la grossesse, la maternité, c’est ce qui me parle, » dit-elle. 

Des moments d’intimité, de complicité, de rires partagés… La photographe avoue simplement ne pas avoir de mal à mettre les gens à l’aise. « Je me souviens de ma formation au Collège Marsan, quand c’était mon tour d’être le modèle, oh boy, je sortais de ma zone de confort! », dit-elle. 

Et les moments, petits ou grands, sont tous des occasions. Depuis près de dix ans maintenant, elle fait aussi les photographies scolaires.  

L’automne dernier, la maladie l’a toutefois contrainte à faire une pause. « Tout s’est fait en l’espace de huit mois, on peut dire que ça a été “toute une ride” », précise-t-elle. Il y a un an, en février 2024, les premiers rendez-vous médicaux s’amorcent et un verdict tombe rapidement : cancer du côlon. Les traitements de chimiothérapie se sont déroulés entre les mois de mai et juillet, et une opération a eu lieu en septembre. 

« Quand j’ai su que j’avais un cancer, la première chose que j’ai demandée a été une séance photo avec ma famille. Je voulais une photo du “avant”, avant que ne commence mon protocole de chimiothérapie. Avant les changements et les deuils à faire. Je voulais garder un souvenir de ce qui était avant la transformation et aussi parce que du jour au lendemain, ta vie n’est plus pareille », confie-t-elle. 

Gracieuseté : Geneviève Lagrois

Geneviève Lagrois reconnaît que les perspectives ne semblaient pas trop sombres, ce n’était pas un cancer très avancé, mais le mot, en lui-même, est lourd à porter. « Tu vois ça comme une montagne sans fin. Tu imagines le pire. C’est épeurant quand même, » déclare-t-elle. 

Comme mère, avec une fillette de moins de 12 ans, elle avoue avoir tenté de traverser cette épreuve sans trop exposer ses propres craintes. « J’ai essayé de montrer que ça allait pour que ce ne soit pas anxiogène. Je pouvais dire que j’étais fatiguée par la maladie. Ma stratégie a été d’expliquer graduellement et de ne pas dire tout de suite le mot “cancer” qu’on associe beaucoup à la mort », dit-elle. 

Depuis l’opération, les nouvelles sont bonnes. Le plan de suivi se poursuit, mais déjà, Geneviève Lagrois a pu reprendre ses activités. 

« Mon été a été plus tranquille. J’ai pris soin de moi, je me suis reposée pour ne pas être trop fatiguée. Le fait d’être travailleuse autonome m’a quand même permis de travailler un peu, entre deux traitements et depuis octobre, j’ai pu reprendre [mes activités] et même faire les séances de photos avec le père Noël au Carrefour du Nord-Ouest », dit-elle. 

Geneviève Lagrois aborde 2025 avec espoir et le désir de « s’écouter davantage ». Son autre souhait est que cette passion pour la photo reste bien vivante « pour au moins 20 ans encore ». 


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.