LOUISE POUDRIER
Le 19 juillet dernier, Alexandre Binette et son ami Simon Charest se lançaient à l’assaut de la rivière des Outaouais depuis le quai public de Moffet, dans un vieux canot n’ayant pas servi depuis au moins 13 ans et qui prenait un peu l’eau. Munis d’un mini-moteur à essence, ils pouvaient parcourir de 60 à 90 kilomètres par jour.
La première journée de ce voyage inusité a été la plus belle et la pire, tout à la fois. La plus belle, parce que tout était nouveau, de la fébrilité du départ, sous les yeux dubitatifs du père et du beau-père d’ Alexandre Binette ainsi que du conseiller municipal Gérald Paquette, à l’apprentissage de la navigation avec cette embarcation motorisée. Elle a toutefois surtout été la pire, car le capitaine qu’il était, poussé par la témérité du premier jour, a décidé de s’enfoncer dans les eaux alors beaucoup trop houleuses du lac Témiscamingue à la sortie de la rivière des Quinze, à Notre-Dame-du-Nord.
Aujourd’hui, il réalise qu’ils auraient pu couler à plus d’une occasion lorsque des vagues de plus d’un mètre se brisaient sur le canot. De plus, la coordination entre le pompage pour vidanger l’embarcation et le maintien du cap, simultanément, n’a pas été une mince tâche. De peine et de misère, et en plus de 3 heures, ils ont réussi à parcourir les 10 kilomètres les séparant de l’île du Chef. Sans la présence de Marcel Polson, de Temiscaming First Nation, qui leur a prêté son chalet pour la nuit, le temps que le mauvais temps passe, l’expédition aurait commencé de manière très bancale. Heureusement, l’eau était chaude et ils portaient toujours leurs vêtements de flottaison individuels (VFI). Néanmoins, cette journée a été un excellent apprentissage : il ne sert à rien de trop planifier sa route. L’important est de rester à l’écoute de ce que la nature a à nous dire, tout en gardant le cap.
Il leur a fallu cinq jours pour atteindre l’extrémité sud du Témiscamingue, à l’embouchure de la rivière Dumoine. Durant la descente qui aura duré douze jours, ils ont pu constater l’incroyable beauté de ce territoire grandiose. C’est agréable d’aller lentement, car on devient captif de la vitesse de l’embarcation, ce qui nous permet d’observer les détails de ce qui nous entoure. D’ailleurs, la devise qu’ils s’étaient donnée, empruntée à la marine américaine, était : « Slow is smooth; smooth is fast », l’équivalent de « Lentement, mais sûrement ».
Un moment fort agréable pour Alexandre Binette est survenu lorsqu’il a découvert que le capitaine (lui), dans des conditions très calmes, pouvait donner la barre au matelot (son ami), même si celui-ci était assis à l’avant de l’embarcation. En maintenant le cap, il suffisait de se pencher légèrement à tribord ou à bâbord pour changer la direction, tâche dont le matelot pouvait s’acquitter. Lors de deux journées calmes, il a donc réussi à s’asseoir au fond du canot pour lire. Au fil des jours, son état d’esprit a évolué de canotier à voyageur.
Afin d’immortaliser cette aventure, Alexandre Binette a eu l’idée de rédiger un carnet d’expédition. Il s’agit d’un journal de bord, parsemé de réflexions et de photos, où les mots occupent la plus grande place. Ce qui commence, dans les premiers jours, comme un journal terre-à-terre, se termine par des entrées un peu plus portées vers la réflexion. Or, bien qu’il l’écrive d’abord pour lui-même, il aimerait en terminer la rédaction avant Noël afin de l’offrir aux gens de sa famille ainsi qu’aux personnes les ayant aidés durant leur périple. Au moins, il souhaite terminer ce carnet avant d’entamer son prochain voyage.