Il s’agit d’un endroit à l’atmosphère contrôlée. La température y demeure la même, hiver comme été. La luminosité, les couleurs, la musique d’ambiance, l’arrangement des espaces et la disposition des produits : tout y est aménagé avec science. Rien n’est laissé au hasard pour agrémenter l’expérience de la clientèle dans un supermarché.

L’envie m’a pris d’en explorer quelques-uns avant d’écrire la présente chronique. Plutôt que de me laisser influencer par le décor, j’ai choisi de concentrer mon attention sur ce qu’on y vend. Un vertige a plombé chacune de mes visites! On y trouve, par exemple, du melon, des raisins verts et des cerises des États-Unis. Il y a aussi des avocats du Mexique, des bananes du Guatemala, des mandarines d’Afrique du Sud ou des olives de la Turquie. Je n’en nomme que certains. Il est vrai qu’on retrouve en supermarché de plus en plus de marchandises en provenance du Québec. Toutefois, conscient des dures conditions de travail reliées à la cueillette au Québec, je n’ose pas imaginer celle des personnes qui cueillent les denrées ailleurs… L’autre aspect qui me frappe, ce sont les variétés des grosseurs de contenants, des variétés de produits et des saveurs. Tiens, pourquoi pas des croustilles au poulet rôti ou au goût de hamburger pour accompagner un bon film, ce soir! Une démonstration d’opulence scandaleuse lorsque l’on pense à ce que la majorité des humains de la planète trouve dans son assiette.

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L’industrie agroalimentaire est à l’image de notre monde : concentrée dans peu de mains et qui cherche toutes les occasions possibles de faire de l’argent. Alors que le panier d’épicerie aurait augmenté d’au moins 10 % depuis un an, on apprend que les profits des grandes chaînes d’alimentation auraient doublé depuis l’épidémie de COVID-19. On parle de bénéfices de six milliards. De l’argent fait sur le dos des consommatrices et consommateurs.

Pire encore, en juillet dernier, les compagnies Loblaw et Weston ont admis avoir gonflé artificiellement le prix du pain. Le prix de cet aliment, au centre de notre régime alimentaire, a été augmenté de 1,50 $ entre 2001 et 2017 sans autre raison que faire de l’agent! C’est ce qu’on a appelé le cartel du pain.

Un cartel, c’est une bande d’entreprises qui s’entendent pour contrôler un marché. Celui du pain aurait permis d’empocher illégalement cinq milliards de dollars… Au même moment, les banques alimentaires voient sans cesse leur fréquentation augmenter et les petites entreprises agricoles en arrachent pour survivre. Je n’ose pas imaginer quelles peuvent être les autres ententes du genre. Le fait de contrôler un marché, en alimentation ou dans le logement par exemple, permet tous les abus.

Se nourrir est essentiel à la vie, je n’apprends rien à personne. Nous nous retrouvons donc captifs d’un marché contrôlé par la volonté de profit, prisonnières et prisonniers de chaînes alimentaires dont il serait nécessaire de se défaire.

Oublions donc les croustilles au hamburger, achetons chez nos producteurs locaux quand on peut et cultivons nos jardins! Ça sera déjà ça, en attendant de changer le système.


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