Nous montons ensemble la colline ou le belvédère et atteignons son sommet. Au loin, à l’horizon, le lac Témiscamingue, le nord de l’Abitibi ou le sud, de part et d’autre de la ligne de partage des eaux. L’endroit où nous nous trouvons importe peu. Imagine simplement que nous rejoignons les hauteurs pour voir ce plat pays où nous vivons. L’immensité, le ciel qu’on peut presque toucher, la forêt, les lacs, les villages, les champs; c’est là que nous sommes maintenant. Je respire l’horizon à pleins poumons, alors que tu jases…
Tu parles de cette influenceuse qui te suggère un exerciseur de première qualité. « Il n’est que 400 $ », t’étonnes-tu. Il peut être payé en 24 versements. Toute une aubaine pour te tenir en forme, car, tu viens de le constater, tu as eu de la difficulté à grimper.
Il y a ton ami qui a écrit s’être fait couper en voiture par un malade. Le fou au volant n’a pas arrêté à un coin de rue. Le choc aurait pu être terrible et la peur a été grande. Cette publication a suscité 84 commentaires (ton ami semble très suivi), tous plus indignés les uns que les autres. Plusieurs personnes racontent des aventures similaires. Jusqu’ici, aucune ne relate d’accident, mais tout un lot de comportements routiers dangereux. « Il y a des gens qui ne devraient pas pouvoir conduire », m’affirmes-tu.
Tu poursuis ton soliloque… Hier, ton club favori a fait match nul. Une période supplémentaire et des tirs de barrage sans que l’équipe ne puisse parvenir à gagner. Il y a eu une bataille en fin de deuxième période; deux joueurs ont été expulsés. Tu me mentionnes leurs noms, que je ne retiendrai pas. Pas cette fois, pas ici. « Ces deux formations, de toute façon, figurent en bas du classement », finis-tu par m’informer. En plus, pour le moment, pas plus de 500 personnes peuvent assister aux parties dans les arénas. « Les équipes vont encore être dans le trou financièrement », ajoutes-tu. « J’ai hâte que cette ost** de pandémie finisse! », lâches-tu. Je me contente de répondre : « On est d’accord là-dessus! »
Une fine neige commence à tomber du ciel. Le paysage se brouille un peu. Le soleil, les contours, les distances perdent leur définition aussi légèrement que la neige couvre le sol. L’horizon demeure tout aussi frais et respirable qu’avant la venue des flocons. Mes poumons et mon esprit sont vivifiés. C’est à ce moment que tu te fâches et pestes contre ce début de tempête qui te fait manquer le paysage. Il est pourtant toujours là, aussi vivant, quoique différent.
Je me dis alors qu’il suffirait de fermer ton cellulaire pour voir au loin, tout de suite devant nous, derrière ce début de tempête.