Tout le monde est d’accord avec ça, ce n’est pas tout le monde qui peut faire du bon pain et n’importe qui ne peut pas construire une charpente et faire de la plomberie. Chacun son métier, chacun son savoir-faire. À l’instar des boulangers et des menuisiers de ce monde, les libraires québécois ont maintenant une norme professionnelle qui vise à faire reconnaître le métier à sa pleine valeur.

Le milieu du livre québécois, avec la collaboration de nombreux organismes tels que le Conseil Québécois des Ressources Humaines en Culture (CQRHC), l’Association des libraires du Québec (ALQ) et Emploi Québec, a mis sur pied cette norme qui vise à structurer la profession, dans le but de valoriser et de mieux transmettre les compétences généralement acquises « sur le tas ».

Il n’y a pas d’école pour devenir libraire: on le devient souvent par hasard ou par passion. La chaîne du livre (auteur, éditeur, diffuseur, librairie, bibliothèque) repose en grande partie sur les compétences des libraires, sur leurs convictions aussi. Il existe donc depuis 2009 un système de compagnonnage, qui permet à un libraire apprenti de recevoir par un libraire expérimenté une formation en milieu de travail, et ainsi obtenir un certificat de reconnaissance professionnelle. Quelques librairies de l’Abitibi-Témiscamingue ont déjà entamé le processus pour la première fois. Non seulement cela mène à une meilleure gestion des librairies, mais cela apporte aussi de la fierté et de l’expertise à un métier de la culture qui se résume à bien plus que de vendre de la marchandise.

ST: Le livre: une marchandise?

Il fut un temps où, pour trouver un livre, on allait à la librairie. Aujourd’hui, on trouve des livres dans tous les magasins à grande surface. On pourrait croire à première vue que c’est une bonne chose pour le monde du livre, parce qu’on en trouve partout, facilement et souvent à rabais. Il n’y a pourtant rien de moins sûr. Dans une logique de best-sellers et de grande surface, la diversité culturelle en prend pour son rhume et le monde du livre, milieu fragile s’il en est, n’échappe pas au danger.

Contrairement à la France, le Québec n’a pas adopté de politique du prix unique pour le livre, et les librairies font face à une concurrence féroce qui fragilise non seulement les commerces au détail, mais toute la chaîne québécoise du livre. Pour survivre, toutes les librairies ont besoin des « vaches à lait » comme Harry Potter et Twilight, ce qui leur permet ensuite d’avoir la possibilité d’offrir de la poésie, des jeunes auteurs, des ouvrages spécialisés; de la qualité, de la variété, et du choix. Mais quand les grandes surfaces vendent les best-sellers au prix coûtant, ça fait mal au petit commerce local.

Alors que les librairies font leurs devoirs pour se démarquer; pour offrir un service conseil personnalisé et des recherches bibliographiques selon les besoins de leur clientèle, pour mettre en valeur la littérature d’ici, pour promouvoir les auteurs de la région, pour permettre à tous les genres littéraires de se retrouver entre vos mains, ou simplement pour le plaisir d’y fouiner, d’y flâner, d’y faire des découvertes inattendues, elles ne devraient plus jamais avoir à justifier pourquoi le livre chez eux coûte 4 $ de plus qu’à l’épicerie. Et le client qui achète un livre dans une librairie indépendante devrait être fier de soutenir la diversité culturelle en même temps que le commerce local. Il y a des choix qui ont un prix. 

*: L’auteure est une ex-libraire.


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