Il y a 42 ans, Marta Saenz de la Calzada quittait son pays, l’Espagne, pour venir enseigner au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue.

Quand elle se remémore son arrivée ici, elle dit : « En fait, des fois, ça se passait bien; des fois, ça se passait mal. On essayait de s’intégrer, de se faire des amis. Nos premiers amis, c’étaient des immigrants. Tout naturellement, on se reconnaissait : on venait d’ailleurs, on avait les mêmes chocs culturels, la même nostalgie, le même dépaysement, le même goût de vivre de nouvelles expériences, de développer de nouvelles amitiés […]. Bien sûr, il y avait aussi quelques pure laine, comme les De Denus et les Barrette, qui nous montraient les Noëls québécois aux tourtières et aux ragoûts de pattes, la pêche blanche, les parties de sucre et la tire d’érable. Peu à peu, on a appris à aimer ces goûts différents, ce paysage austère, cette ville minière. Et on est restés. »

Noël sera là bientôt.


Il y a ici beaucoup d’immigrants qui vivent loin de leur pays, de leurs coutumes, de leurs amis. C’est une belle occasion de rappeler l’existence de La Mosaïque, une association interculturelle et d’accueil des immigrants, composée de 300 membres, qui offre la possibilité de fêter ensemble ce temps de l’année où la solitude se fait souvent très pesante.

Marta Saenz de la Calzada nous fait le cadeau d’un poème, Complainte d’une émigrante, qu’elle a écrit il y a une quinzaine d’années. Du même coup, elle lance l’invitation suivante : « La Mosaïque organise une grande fête interculturelle le 11 décembre au sous-sol de l’église St-Joseph, à Rouyn-Noranda. Apportez un plat généreux à partager, vos assiettes, verres et couverts, venez rencontrer du monde d’ici et d’ailleurs pour que, tous ensemble, on se souhaite Joyeux Noël ! »

 

COMPLAINTE DE L’ÉMIGRANTE

« C’est une intruse,
elle vient de loin,
elle vole nos jobs,
elle vole not’ pain.
Elle parle drôle,
elle a un accent,
t’es pas contente,
va donc chez toi »

Des fois, je me demande qu’est-ce que je fous ici,
Dans ce froid, dans cette glace,
Dans ce maudit pays qu’on nomme Abitibi.
Dios mio, qu’on est seule lorsqu’on arrive de loin,
Et que les nuits sont longues et que le frette est froid!
Bien sûr, il y a l’amour, y a ta bouche, ton visage,
Tes yeux où je chavire, ton corps où je voyage,
Ton cœur où je me perds.
Y a tes bras qui m’entourent et me font oublier
Que je suis loin des miens, que dehors c’est l’hiver.
Y a toi qui m’attaches à ce froid, à cette glace,
À ce maudit pays qu’on nomme Abitibi.

« Tu parles drôle,
t’as un bel accent,
t’as l’air toute seule,
viens donc chez moi.
Conte-moi ta vie,
d’où ce que tu viens,
c’est quoi tes rêves,
c’est quoi ton chant »

Blessée par la distance de tout ce que j’ai quitté
Je m’ennuie de Maruja, de Luis, de Beatriz,
De Alicia et Margarita, et de tous mes amis,
Du ciel de la Castille et de sa terre dorée,
Du soleil de l’Espagne, de l’air de mon pays.
Et malgré cette distance, si jamais je partais,
Je serais malheureuse, me manquerait l’hiver,
Me manquerait la neige, me manquerait le frette
De ce maudit pays qu’on nomme Abitibi.

Maintenant je me demande où se trouve mon pays,
Maintenant des fois je pense, c’est ici mon pays.

Marta Saenz de la Calzada


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