Je suis là à me demander ce que je pourrais bien dire sur ce fameux froid qui m’inspire. C’est un bien beau titre mais est-ce que le froid m’inspire vraiment ? Quand j’y pense, n’est-ce pas un peu maso de croire que le froid inspire ? Tous ceux à qui j’en parle se disent plus inspirés par les îles Maldives que par la terre de Baffin.

Alors je pense aux poètes qui parlent de l’hiver, et tout naturellement à Nelligan avec sa neige qui a neigé, son jardin de givre et son spasme de vivre pour faire naître l’espoir d’une piste nouvelle. Mais j’avais oublié la fin : « À tout l’ennui que j’ai, que j’ai… »

J’épuise ainsi mes ressources inspirantes pour me replonger par défaut dans les souvenirs de mon enfance, en pensant à ce temps où je passais par les portes pour vendre l’Écho d’Amos sous les flocons de neige qui tombaient directement des aurores boréales sur ma tuque… que je me faisais arracher d’une claque derrière la tête parce que j’avais dépassé les limites de mon territoire de camelot.

On n’a pas vraiment froid lorsque l’on a dix ans, et que l’on joue au hockey dans la ruelle avec son frère. Je ne me souviens pas d’avoir eu froid quand je descendais en ligne droite l’unique piste de ski du lac La Ferme sur mes skis de bois avec des attaches de raquettes ; l’important, c’était de pouvoir freiner au bon moment, au bon endroit pour reprendre le câble de remontée le plus rapidement possible.

Et puis un jour, j’ai vu l’hiver comme une page blanche, une page sur laquelle la nature boréale avait déjà esquissé quelques projets puis les avaient effacés encore et encore dans la recherche d’un ailleurs meilleur. Comme un relief blanchi qui s’évanouit dans l’espace qui l’entoure, j’ai senti que mon esprit avait cessé de refaçonner à l’infini les images qui me hantaient.

Enfin le silence, celui qui nous rend heureux pendant quelques instants, jusqu’à ce que le doute nous effleure au passage du temps. Lorsqu’un dernier frisson court sur ma nuque, c’est que la peur du froid me quitte. C’est une sorte d’hypothermie créative, il n’y a plus de retour en arrière comme dans la taille directe, nous devons avancer même si nous sommes dans la mauvaise direction. Il faut continuer l’expédition dans un effort consenti avec l’espoir d’atteindre cet espace inconnu. Je garde toujours un œil sur l’horizon, puisque c’est tout ce qui me rattache à la terre.

Un beau matin, alors que l’espoir s’est évaporé dans les effluves glaciaux de la nuit, un ardent rayon de soleil oublié vient frapper la terre à mes pieds. Je n’en crois pas mes yeux, ce paysage que je croyais sans relief se déplie, s’étire en de grandes lignes ondulantes fabriquées par le vent. Les ombres roses-grises du matin découpent chaque variation du paysage en de multiples perceptions. La lumière si douce et aimante de ce nouveau matin réanime ce paysage que je croyais perdu. J’ai maintenant une ombre qui me suit et j’espère que j’existe.


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