BENOIT-BEAUDRY GOURD, PRÉSIDENT, SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE ROUYN-NORANDA 

De manière incontestable, la région de Rouyn-Noranda s’est développée grâce aux mines. En un peu moins de 25 ans (1927-1950), 21 mines entrent en production autour des villes sœurs de Rouyn et de Noranda. On oublie cependant que, jusqu’à la fin des années 1950, l’industrie forestière a aussi contribué de manière importante à l’économie de la région. 

En 1922, lorsque la compagnie Noranda Mines est créée pour mettre en valeur le gisement de cuivre et d’or découvert par Edmund Horne sur le bord du lac Osisko, la Riordon Pulp & Paper Company a déjà commencé à exploiter les forêts du bassin de la rivière Kinojévis pour approvisionner son usine de pâtes de Témiscaming. En 1924, la Riordon établit, au lac Kinojévis, le dépôt de German Point pour approvisionner ses chantiers du canton de Rouyn. Ce dépôt est aussi le centre des opérations forestières de Champlain Logging, le principal entrepreneur actif dans ce secteur.  

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Rouyn-Noranda | Le dépôt McWatters, début des années 1950

En mars 1926, le gouvernement du Québec apporte une modification à la Loi des mines qui stipule dorénavant que « nul propriétaire, locataire, occupant de terrain dans le canton de Rouyn et les cantons adjacents, et nul porteur de permis de coupe de bois dans les cantons ne peut réclamer de dommages causés par les gaz et fumées délétères produits au cours des opérations d’une usine de fonte (smelter), érigée dans le canton de Rouyn ». Ce changement incite la Canadian International Paper (CIP), qui vient d’acheter la Riordon, à accroître considérablement le volume de ses coupes de bois avant que la fonderie Horne ne cause trop de dommages aux forêts avoisinantes.  

Alors que Champlain Logging accélère son programme de coupe autour des villes sœurs, les opérations forestières de la CIP remontent profondément vers les sources de la rivière Kinojevis. Pour approvisionner les chantiers établis dans les cantons de Dufresnoy, Cléricy, La Pause et Preissac, la compagnie érige en 1927 le dépôt Cléricy à la jonction de la rivière Kinojévis et du chemin de fer reliant Taschereau à Noranda. Puis en 1932, elle transfère d’Angliers à Noranda le siège social de la Kipawa Woods Division responsable des opérations forestières. Au milieu des années 1930, on estime qu’environ 3 000 personnes travaillent en hiver dans les chantiers du bassin de la rivière Kinojévis.  

Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Rouyn-Noranda | Le bureau de Champlain Loggin à Noranda, début des années 1930

En 1938, à la suite de la fin des chantiers dans la Haute Kinojévis, la CIP ferme le dépôt Cléricy et établit le dépôt McWatters à la croisée de la rivière et de la route reliant Rouyn à Val-d’Or. Les chantiers de la CIP, qui se concentrent dès lors dans les cantons situés à l’est de Rouyn (Joannès, Bousquet, Cadillac, Vaudray, Montanier et Darlens), vont être approvisionnés par le dépôt McWatters. C’est également au dépôt McWatters que les cultivateurs des localités rurales viennent l’hiver empiler sur la rivière le bois coupé sur leurs terres et vendu à la CIP. Le dépôt sert aussi de port d’attache aux petits remorqueurs qui assurent le flottage de ce bois jusqu’au lac Simard.  

Pratiquement jusqu’à la fin des années 1960, la majorité des hommes des paroisses de colonisation créées tout autour de Rouyn-Noranda vont devoir travailler en forêt en hiver pour assurer la subsistance de leur famille et exploiter leur ferme. Soulignons qu’à Mont-Brun, Cléricy, Beaudry, Bellecombe et Rollet, des chantiers coopératifs sont organisés afin d’effectuer pour la CIP des contrats de coupe au même titre que les entrepreneurs privés.


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