FEDNEL ALEXANDRE 

Madeleine Lefebvre publie La durée des espaces blancs, un recueil de poésie, aux éditions Écrits des Forges. C’est un livre sans fioritures, marqué par la puissance de la suggestion, par sa fluidité rythmique et par une impression de suspension. La poète explore divers thèmes, notamment la mémoire qui laisse des traces invisibles dans les silences, ce qui n’est pas dit s’efface, ce qui subsiste malgré l’oubli, l’oscillation entre l’errance et l’enracinement, l’exploration du passé et des liens entre l’intime et l’universel. Rencontre avec la poète, qui sera en dédicace au bar-librairie Livresse à Rouyn-Noranda le 1er mai.  

Est-ce que la sobriété de ce recueil est à l’image de ta vie? 

La réponse simple, c’est non. Sérieusement, ce recueil a été écrit en 2022. Il s’est passé plein d’événements depuis ce temps-là. C’est toujours après coup qu’on analyse pourquoi c’est sorti de cette façon-là. Je pense qu’il y a plusieurs facteurs qui expliquent cette sobriété. Je réalise après coup que quand j’ai écrit La durée des espaces blancs, j’étais dans une période de transition dans ma vie. Mais je ne le savais pas tout à fait. Dans ce genre de situation, on délaisse des choses. On se départit du superflu sans être conscient de le faire. C’est peut-être ce qui teinte ce recueil, une envie de légèreté, de simplicité. J’ai beaucoup été inspirée par des heures de route dans le parc de La Vérendrye. Il n’y a pas grand-chose à part les arbres. Peut-être que ce paysage-là m’a poussée à voir les choses plus simplement. Dans mon processus d’écriture de ce livre, il y a eu plus de coupures que d’ajouts. C’est probablement ce qui donne le résultat épuré que tu as constaté.   

Écrits des Forges

Il y a un jeu qui s’instaure avec le lecteur dans ce recueil. Ça se voit dès le titre… 

Le titre du recueil porte tout le projet. Il représente tout ce qui m’a portée depuis les cinq dernières années. Les gens qui m’ont lue avant pourraient voir que la notion du temps, les choses qui ne durent pas, les choses qui s’arrêtent… ça revient souvent dans mon écriture. Je pense que je porte en moi le désir que les choses durent, mais j’apprends à accepter les cycles. Je fais référence à la neige, que je trouve magnifique. Mais les espaces blancs, ce ne sont pas que des bancs de neige! [Ce sont] des espaces de liberté, de création, des non-dits. Donc les espaces blancs prennent une dimension métaphorique. J’ai choisi très tôt le titre dans ce processus d’écriture. Il contenait en lui seul toute l’essence de ce que je voulais dire. J’invite le lecteur en effet à me rejoindre dans ces espaces blancs. C’est pour cela qu’il y a un « tu » avec lequel j’établis un jeu. J’aime beaucoup créer cette relation dans mes textes en utilisant un « tu » imaginaire. J’ai essayé de m’en passer, mais j’y reviens constamment.  

Photographe : Serge Rollin

Tu joues beaucoup avec les paradoxes. Par exemple, tu invites le « tu » à construire la parole poétique dans les espaces blancs alors que c’est un livre qui explore les silences tout à la fois.  

C’est vraiment teinté par la période où j’ai écrit ce recueil. Dans les dernières années, j’ai entrepris plein de projets. On dirait que j’ai trop parlé! C’est peut-être l’âge qui me fait penser ça… Mais j’en suis à un moment où j’ai envie de cultiver des retenues, d’apprécier les silences. Quand tu es capable d’être silencieux avec quelqu’un dans un silence agréable et confortable, tu sais que c’est une relation précieuse. J’aspire à ce genre de relation. C’est ce que je valorise et recherche. Ce n’est pas que je veux me taire, mais je suis tannée du bruit. On vit dans beaucoup de bruit. Par exemple, j’ai passé des heures dans le parc de La Vérendrye à ne pas écouter de musique. Juste rouler dans le silence. Je cherche cette sensation-là. Il n’en reste pas moins que j’écris une poésie de la relation avec l’autre.  


Auteur/trice