NATHALIE FAUCHER, PRÉSIDENTE DE LA SOCIÉTÉ D’HISTOIRE ET DE GÉNÉALOGIE DE VAL-D’OR 

L’un des grands défis des recherches historiques consiste à retrouver le nom des femmes dans les documents. Elles disparaissaient souvent derrière le nom de leur mari, rendant leur identification plus complexe. Cette réalité m’a amenée à réfléchir à cette tradition et à son impact sur l’identité des femmes au fil du temps. 

UNE TRADITION PROFONDÉMENT ENRACINÉE 

Pendant longtemps, au Québec, l’usage a voulu que les femmes mariées adoptent le nom de leur mari, même s’il ne s’agissait pas d’une obligation légale. Cette coutume, ancrée dans une vision traditionnelle du mariage, renforçait l’idée du mari comme chef du foyer. Même dans les documents officiels, l’administration inscrivait souvent les femmes sous le nom de leur époux, par exemple, madame Jean Tremblay, solidifiant ainsi cette norme sociale.  

Le 2 avril 1981 marque un tournant dans l’histoire juridique québécoise. Avec la réforme du Code civil, il est établi que chaque personne conservera son nom de naissance toute sa vie, y compris après le mariage. Cette mesure vise à garantir l’égalité entre les sexes et à préserver l’identité individuelle des époux. Désormais, une femme mariée ne peut prendre le nom de son conjoint qu’en effectuant une demande officielle de changement de nom, un processus encadré et soumis à des critères stricts. 

Photographie : Bloom Studio Val-d’Or. Photo tirée de l’Écho Abitibi.

UN PAS VERS L’ÉMANCIPATION DES FEMMES 

Cette réforme s’inscrit dans un mouvement plus large d’émancipation. En 1964, la Loi sur la capacité juridique de la femme mariée avait déjà aboli son incapacité juridique, lui permettant de signer des contrats et d’administrer ses biens sans autorisation maritale. Avec la réforme de 1981, le mariage n’a plus d’incidence sur l’identité légale des époux, et chaque personne conserve son nom dans les actes civils et administratifs. Si cette avancée renforce l’égalité des sexes, les habitudes mettent plus du temps à évoluer. De nombreuses femmes ont continué à utiliser le nom de famille de leur mari, par tradition ou par commodité. Encore aujourd’hui, bien que seul le nom de naissance soit légalement reconnu, certaines femmes emploient encore socialement le nom de famille de leur mari, sans valeur juridique. 

UN DEVOIR DE MÉMOIRE ET DE RECONNAISSANCE 

La réforme de 1981 a marqué une étape clé dans la reconnaissance des droits des femmes. Si l’adoption du nom du mari était autrefois la norme, le maintien du nom de naissance est désormais un acquis consolidant l’identité et l’autonomie des femmes.  

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, il est essentiel de souligner ces avancées qui ont permis aux femmes d’affirmer leur place dans la société. Conserver son propre nom est bien plus qu’une formalité : c’est un symbole fort de reconnaissance et de respect. Cette réforme s’inscrit dans un combat plus large pour l’égalité, et il reste encore des efforts à faire pour assurer aux femmes une pleine autonomie dans toutes les sphères de la société. Il est également de notre devoir, en tant que société, de redonner une place et une identité à ces femmes qui, au fil de l’Histoire, ont été invisibilisées par des traditions aujourd’hui révolues. 


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