ANDRÉANE GARANT, M.SC. ÉCOLOGIE 

Les effets des changements climatiques sont désormais une réalité indéniable, et nos hivers atypiques en sont une illustration évidente. Lorsqu’une espèce, comme le lagopède des saules qui dépend des hivers, modifie son comportement de distribution, il est tentant de lier cela directement aux changements climatiques. Pourtant, l’explication est loin d’être aussi simple. Le véritable défi des chercheuses et chercheurs est d’analyser les dynamiques qui sont en jeu, en tenant compte de toutes les causes possibles avant de conclure trop hâtivement que les changements climatiques en sont la cause principale. 

Le lagopède des saules (connu comme la perdrix blanche dans notre région), un oiseau cousin de la gélinotte huppée et du tétras du Canada, habite principalement les régions du nord comme la toundra arctique et la limite nordique de la forêt boréale. Il se distingue de ses cousins par son plumage brun en été qui devient blanc en hiver, ce qui lui permet de se camoufler dans la neige. Ses pattes, couvertes de plumes, servent d’isolant contre le froid et lui permettent de mieux se déplacer sur la neige, un peu comme des raquettes. Depuis le début du 19e siècle, cet oiseau a été observé dans le nord de l’Abitibi-Témiscamingue tous les 8 à 12 ans. Cependant, depuis les dernières années, il semble s’y rendre chaque année, malgré un déclin global de l’espèce. Cette situation soulève des questions. L’habitat nordique du lagopède est-il devenu inadapté? Quelles peuvent être les raisons de ce changement? 

Photographe : Jean Lapointe

Les écosystèmes arctiques, où vit le lagopède, sont soumis à divers cycles naturels, notamment ceux liés à l’abondance des prédateurs et des proies. Bien que le lagopède soit herbivore et n’ait pas de lien direct avec le lemming, un petit rongeur typique de l’arctique, sa situation est influencée par son cycle de population, qui présente des pics tous les trois à cinq ans. Cette relation peut sembler surprenante, mais cela s’explique par le fait que les prédateurs du lagopède (comme le renard, l’hermine et les oiseaux de proie) se nourrissent alors davantage de lemmings, délaissant temporairement les lagopèdes comme source de nourriture. Toutefois, ces cycles d’abondance des lemmings semblent être de moins en moins marqués, et les conséquences de cette raréfaction sur les populations de lagopèdes restent difficiles à cerner. 

En plus de ces dynamiques naturelles, les changements climatiques viennent perturber l’habitat traditionnel du lagopède. La fonte des neiges et les pluies hivernales de plus en plus fréquentes à cause du réchauffement climatique peuvent rendre la neige plus dure, ce qui est défavorable pour cet oiseau qui tend à s’enfouir dans la neige folle. De plus, cette croûte de neige facilite les déplacements de ses prédateurs. Ces phénomènes pourraient expliquer la présence du lagopède dans des zones plus au sud, où la couverture végétale offre une meilleure protection. Une autre source de perturbation pourrait être le printemps plus précoce qui désynchronise les cycles biologiques de l’oiseau. Le lagopède conserve son plumage blanc alors que la neige fond, ce qui le rendant plus vulnérable à la prédation. Finalement, la compétition accrue pour la nourriture, avec d’autres herbivores qui partagent la même alimentation, et les pressions de la chasse s’ajoutent aux facteurs à considérer dans l’analyse des populations de cette espèce. 

Face à cette complexité, il n’est pas facile de déterminer les causes précises de la fluctuation d’abondance du lagopède en Abitibi-Témiscamingue. Heureusement, des chercheuses et chercheurs s’efforcent de démêler ces différents facteurs afin de développer des stratégies de conservation adaptées pour protéger cette espèce emblématique, que son déclin soit ou non lié directement aux changements climatiques.  


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