YVES GRAFTEAUX ET YOHAN JALOUZOT, ORGANISME DE BASSIN VERSANT DU TÉMISCAMINGUE
Éduquer par et dans la nature, c’est remettre en question certaines méthodes d’enseignement traditionnelles. Par exemple, que le programme doive s’offrir dans des salles de classe fermées où l’autorité et les règles règnent, et où les rares moments de pause se font sur l’asphalte cantonné par des grilles de métal.
Ces coutumes éducatives, bien ancrées dans nos sociétés occidentales, perturbent pourtant nos enfants et leur développement : troubles de la concentration ou de socialisation, difficultés d’apprentissage, faible estime de soi, dysfonctionnements physiques, etc., autant de conséquences bien réelles de notre mode d’éducation.
Homo erectus adomestiqué le feu, dehors, et Isaac Newton a théorisé la gravitation sous son pommier. Nos ancêtres ont pu observer, manipuler, tester, créer, se tromper et réessayer. Avec leurs cinq sens, avec le temps, avec l’espace, avec un peu de liberté, jour après jour, ils ont appris.
Bien sûr, pas besoin de retourner à l’époque de Cro-Magnon pour éduquer sainement nos enfants! Cependant, il est essentiel de remettre en question l’ordre établi alors que nos établissements éducatifs affrontent des défis majeurs de décrochage, de santé mentale, de recrutement et de financement.
Organisme de bassin versant du Témiscamingue
CONCRÈTEMENT, CA FONCTIONNE COMMENT ?
Éduquer par la nature et à son contact, c’est d’abord offrir aux enfants des espaces naturels de qualité, que ce soit dans leur cour ou à proximité, et ce, dès le plus jeune âge. Leur permettre de les fréquenter chaque jour, comme au Danemark, en Allemagne ou en Angleterre.
Et les pays nord-européens nous rappellent qu’il n’y a pas de mauvais temps, seulement des mauvais vêtements. Qu’il pleuve ou qu’il neige, les enfants apprennent au maximum à l’extérieur.
Qu’aiment faire les enfants? Jouer. Comment? Librement. En les laissant s’aventurer dans l’expérimentation de la nature, connectés à leurs sens et à leur rythme, ils prennent confiance en eux grâce à la prise de risques saine. Ils s’entraident malgré les écarts d’âge, d’ethnies et d’aptitudes. C’est donc aussi une question d’inclusion et d’égalité. Et comme le plaidait récemment le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, le retour des buttes de neige et du « Roi de la montagne » dans les cours d’école serait peut-être un premier pas pour « permettre à nos enfants de vivre à l’intérieur d’un certain espace de risque ». Cela mène à moins de conflits : les plus énergiques ont de l’espace pour se dépenser tandis que les autres trouvent des moments de calme à l’écart.
DU BON, PAS SEULEMENT POUR LES ENFANTS
Le corps enseignant, souvent découragé ces temps-ci, voit généralement une nette amélioration de la qualité de l’enseignement et du plaisir d’enseigner en nature. Les matières obligatoires sont enseignées de façon plus créative : un bâton devient un outil pour écrire, compter ou étudier les sciences; l’approche par la nature enrichit l’apprentissage tout en renforçant l’intérêt des élèves.
Et pour les parents, voir leurs enfants revenir de l’école épanouis, heureux (mais fatigués) et plus confiants est une grande satisfaction! L’éducation par et dans la nature, loin d’une simple tendance, répond aux besoins des enfants et aux défis éducatifs actuels. En reconnectant les jeunes à la nature, nous leur offrons bien plus qu’un apprentissage : nous leur offrons un équilibre entre savoir et bien-être.