« Nous sommes forcés de constater que le temps gagné par ce gouvernement, après de multiples reports, n’a pas été utilisé à bon escient. Cela démontre clairement leur manque de volonté de protéger le caribou qui est une espèce culturellement importante pour plusieurs Premières Nations ».

C’est par ces mots que le chef Ghislain Picard a accueilli, dans un communiqué de presse de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, la tenue, jusqu’au 30 juillet, par le Québec d’une consultation publique sur des « projets pilotes pour la population de caribous forestiers de Charlevoix et la population de caribous montagnards de la Gaspésie », en lieu et place d’une stratégie globale et pertinente pour la préservation du caribou.

En Abitibi-Témiscamingue, les Premières Nations n’ont pu que constater l’absence de mesures spécifiques pour les populations pour lesquelles elles investissent beaucoup d’efforts, comme celles de Val-d’Or et de Détour-Kesagami (La Sarre).

ATIK, le caribou

Atik, le caribou en anicinabemowin, occupait un territoire plus vaste et les études génétiques des dernières décennies ont démontré un isolement relativement récent, remontant à moins de 70 ans, de la population de Val-d’Or alors que le caribou forestier se situe plus au nord. La fragmentation et la destruction des vieilles forêts boréales riches en lichens, habitats de qualité pour atik, ont conduit au déclin des populations, menaçant l’avenir de cette espèce et sa relation tissée depuis des générations avec les Premiers Peuples.

Face à l’inaction du gouvernement, les Premières Nations s’organisent

Malgré cela les communautés situées en Abitibi-Témiscamingue se mobilisent depuis plusieurs années, à la fois pour maintenir leur lien culturel avec l’espèce et en s’impliquant dans les travaux de rétablissement du caribou. Notons l’expertise et le travail de la communauté de Lac-Simon dans la restauration de chemins, ainsi que la participation de la Première Nation Abitibiwinni au premier inventaire transfrontalier de la population de caribou Detour Kesagami entre l’Ontario et le Québec.

C’est ainsi qu’en juin dernier, la Première Nation Abitibiwinni, la Première Nation Anishnabe de Lac Simon et Long Point First Nation étaient présentes au Forum Atiku, organisé par la communauté innue d’Essipit avec le soutien de l’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador. Deux jours de rencontres entre Premières Nations et d’échanges d’expertises sur différentes thématiques : techniques d’inventaires, restauration de chemin, impact des feux sur le caribou, leadership autochtone, etc. Cet évènement faisait suite à l’initiative du Forum ATIK de juin 2022 organisé à Amos par la Première Nation Abitibiwinni.

Des projets bénéfiques à la biodiversité

Bien que rassemblés autour d’atik, les projets concrets portés par les communautés autochtones et soutenus financièrement par le gouvernement du Canada, tant en matière de restauration d’habitats que de création et gestion d’aires protégées, englobent une vision plus large de la conservation. Par exemple, le projet de protection de la population de Détour-Kesagami mené par la Première Nation Abitibiwinni est dans une phase de caractérisation des habitats avec, notamment, la mise en œuvre des suivis des oiseaux boréaux du Service canadien de la faune par la pose d’enregistreurs acoustiques sur le territoire, la quantification des stocks de carbone des milieux humides et la valorisation des savoirs autochtones.

Atik étant une espèce très sensible aux perturbations, sa protection sera bénéfique à bon nombre d’espèces et d’écosystèmes boréaux de l’Abitibi-Témiscamingue. Ces initiatives répondent ainsi aux enjeux évoqués dans les chroniques précédentes, comme ceux du Plan Nature 2030, mais au-delà, elles sont vitales à la préservation de la culture des Premières Nations si étroitement liée à leur environnement.

Iris Lochon, pour le Conseil de la Première Nation Abitibiwinni