Pour marquer le 20e anniversaire du Festival des Guitares du Monde en Abitibi-Témiscamingue, L’Indice bohémien propose un concept d’article sous forme de dialogue, permettant à plusieurs artistes s’étant produits au FGMAT d’échanger avec la communauté locale.
Aysanabee
Aysanabee a raconté des anecdotes avec beaucoup d’aisance pour amuser le public, très réceptif. Sa prestation est restée cohérente musicalement et il a réussi à redéfinir le mot « mélancolique » et à l’appliquer magnifiquement à sa musique. Il y a une authenticité brute dans ses paroles et dans les histoires que racontent ses chansons. Aysanabee a une voix envoûtante qui transmet beaucoup d’émotions. Je pouvais fermer les yeux et me laisser submerger par sa musique.
– Meghann Alexandre
« Je pense que le contact avec la nature m’apporte assurément de l’équilibre et du calme. J’ai l’impression que maintenant je vis à Toronto, je suis dans l’agitation de la ville, toujours pressé : go-go-go. C’est vraiment agréable de pouvoir se rendre dans des endroits comme Rouyn-Noranda et d’avoir un peu de temps libre. Je suis arrivé à ici un jour plus tôt, j’ai donc pu prendre un vélo et faire le tour du lac, m’asseoir au bord de l’eau. C’est important que tout le monde puisse prendre le temps de s’ancrer de cette manière. »
– Aysanabee
- Aysanabee au FGMAT 2024, photographié par Christian Leduc
Christone « Kingfish » Ingram
Comment vos expériences de vie au Mississippi ont-elles façonné votre identité musicale?
– Claudia Caron
« Grandir à Clarksdale, dans le Mississippi, a ouvert la voie à ce que je fais aujourd’hui pour ma carrière, car les influences de ma communauté m’ont offert un aperçu unique de ce qui était même possible musicalement. Je pense que si j’étais né et que j’avais grandi ailleurs, je n’aurais probablement pas la même exposition ni le même intérêt pour le blues. Ma proximité avec Clarksdale et ma proximité avec ce merveilleux genre musical sont 100 % liées.»
– Christone « Kingfish » Ingram
Christone « Kingfish » Ingram au FGMAT 2024, photographié par Christian Leduc
DJ Fromage
C’est au son de DJ Fromage que la chaude soirée s’est installée en laissant place à la faune millénariale. Comme à son habitude, les rythmes de chansons à succès se sont enchaînés au grand plaisir – coupable ou assumé – de la foule, comme en témoignaient les déhanchements et les chants synchronisés. Dans son élément, le DJ a certainement su raviver de bons souvenirs aux festivalières et festivaliers. « Everybody, rock your body », comme disaient les Backstreet Boys.
– Jasmine Blais-Carrière
« C’est un de mes derniers shows de festival en tant que DJ Fromage. [NDLR : Julien Vallée se produira désormais sous le nom d’artiste Chéri.] Mais je commence à jouer d’autres trucs, à diversifier le tout, et Chéri est plus contemporain, l’identité se rapproche le plus de moi en ce moment! […] Le FGMAT était super le fun, le public extérieur est tout le temps plaisant! J’aime beaucoup le début où les gens ne savent pas trop, où il faut les réchauffer. Le public qui me connaissait est arrivé aux alentours de 21 h, et plus la soirée avançait, plus les gens appréciaient. »
– Julien Vallée
DJ Fromage (Julien Vallée) au FGMAT 2024, photographié par William B. Daigle
Gab Paquet
Le kitsch et l’humour sont des éléments distinctifs de ton style. Malgré ça, il y a dans tes textes une certaine vulnérabilité, une émotion véritable. Comment fais-tu pour équilibrer ces deux forces?
– Jasmine Blais-Carrière
« D’emblée, on choisit des textes et des thématiques qui semblent faire réagir les gens : de l’érotisme, du sexe, des choses du genre. Ça fait sourire, ça fait rire… Mais il y a quelque chose de très sérieux là-dedans. Je pense que le rire, en soi, a quelque chose, de très sérieux. Et aussi, c’est que je ne me considère pas comme un humoriste! Je me considère avant tout comme un musicien. Oui, ça fait rire la galerie, ça fait sourire les gens, mais aussi, je veux les toucher plus profondément avec des thématiques artistiques. Moi, je fais de l’art! »
– Gab Paquet
Gab Paquet au FGMAT 2024, photographié par Christian Leduc
Gratoon’s Platoon
Votre musique aspire à rétablir la paix dans le monde. Comment intégrez-vous cet objectif dans vos compositions?
– Claudia Caron
« C’est un objectif extravagant qui vient illustrer notre côté humoristique! On ne se prend pas au sérieux, on est purement authentiques, avec une espèce de vision de rétablir la paix dans le monde grâce à la musique. Même si c’est inatteignable, c’est sympathique! Ça illustre notre démarche sans prétention. On fait de la musique pour avoir du fun, vivre des expériences humaines enrichissantes… et à travers cet objectif-là, on veut s’autoriser, en tant qu’artistes, à partager de la beauté dans l’univers. »
– Marc-Olivier Gratoon
Le groupe Gratoon’s Platoon au FGMAT 2024, photographié par Christian Leduc
Ivan Boivin-Flamand
C’est surtout son instrumentation qui m’a frappée durant cette performance. Ivan a un talent remarquable pour la guitare électrique et sait clairement utiliser l’instrument à sa pleine capacité, avec ses solos passionnés. L’utilisation de synthétiseurs et le rythme rétro groovy donnent un air des années 1980 à la scène. Regarder le spectacle tout en observant l’ambiance dans le public m’a fait penser à une scène de film. Un après-midi chaud et ensoleillé, des citadins et des passants qui flânent et boivent des sodas frais… appréciant les mélodies de chansons d’amour qui ressemblent à des ballades! Ivan a réalisé un travail fabuleux pour obtenir le son qu’il présente à son public.
– Meghann Alexandre
« Cette année, où j’ai partagé la scène avec Hugo Perreault, Richard Séguin, Simon Godin… Je pense que ça va être un des beaux moments de ma vie. Je vais m’en souvenir quand je vais écrire les pages de ma vie. Je pense que c’est pas mal ça qui va ressortir de mon histoire […] Ça va me prendre du temps pour m’en remettre, j’aurais aimé que ce festival-là dure pour la vie! »
– Ivan Boivin-Flamand
Ivan Boivin-Flamand au FGMAT 2024, photographié par Christian Leduc
Richard Séguin
Avec des interprétations d’une intensité émouvante de titres sur des thématiques telles que la famille, le pays et le territoire, Richard Séguin a su transmettre des émotions authentiques à l’occasion du Festival des Guitares du Monde. Avec un riche répertoire placé sous le signe de l’interaction et une grande virtuosité vocale, le septuagénaire a donné un sérieux coup de jeune à ses chansons pour le plus grand bonheur des 640 spectateurs, chantant avec lui à intervalles réguliers. L’ambiance chaleureuse créée par les trois autres guitaristes – Simon Godin, Hugo Perreault et Ivan Boivin-Flamand – ainsi que le claviériste Jean-Sébastien Fournier et le batteur Alexis Martin, rythmée avec la voix envoûtante et le charisme naturel du natif de Pointe-aux-Trembles, ont créé une atmosphère de partage et d’émotion, marquant ainsi de manière inoubliable le début de ce festival d’exception. Un moment marquant de la soirée a été l’interprétation du titre Tu marches, qui a emballé les festivaliers : « Le pays qu’on a marché, c’est le pays dont on se souvient », dit l’artiste.
– Raymond Jean-Baptiste et Meghann Alexandre
« La guitare décrit le territoire d’abord par l’écriture des artistes. […] Plus on entend les artistes des régions, plus on a une bonne impression de ce que le territoire peut nous donner. J’ai eu ma première guitare à 14 ans. À 14 ans, avoir une guitare, ça veut dire que tu peux connecter avec d’autre monde, tu n’es plus dans ta solitude d’adolescent, tu peux rencontrer d’autres musiciens… C’est comme un bouclier. C’est aussi, tu sais, tout un monde qui s’ouvre! […] Les guitares, ça part d’un feu de camp puis ça peut aller jusque dans les grandes salles de concert classique. »
– Richard Séguin
Richard Séguin au FGMAT 2024, photographié par Christian Leduc
Rose Banane
Peux-tu me parler de ta relation avec la guitare et comment elle a évolué au fil des années? Maintenant, ton instrument de choix est spécial, ce n’est pas tout à fait une guitare!
– Claudia Caron
« Oui! J’ai joué du clavier, j’étais inspiré par Children of Bodom. J’ai acheté le même clavier que ce gars-là, je l’ai installé de la même façon sur la scène, c’est-à-dire incliné, un peu comme Dan Bigras. Puis avec le temps, j’ai créé mes propres projets de musique, au croisement entre la pop et le métal. Étant donné que j’étais tanné de ne plus pouvoir bouger sur la scène à cause du clavier sur socle, je me suis procuré une keytar : le mot est un croisement entre keyboard et guitar. En ayant cet instrument spécial, visuellement impressionnant, ça me permet de bouger sur scène, de sauter en bas de la scène, de la lancer autour de moi, comme j’avais fait avec Bleu Jeans Bleu, à H2O. Eux, ils avaient capoté sur le design de cet instrument-là! »
– Pete Chamberland
Rose Banane (Pete Chamberland) au FGMAT 2024, photographié par Christian Leduc
Wesli
Le charisme de Wesli, coiffé de son chapeau rouge et sa guitare dans les mains, a littéralement soulevé la foule au Petit Théâtre du Vieux-Noranda, dans le cadre du 20e Festival des Guitares du Monde.
La complicité entre les musiciens était palpable tout comme le plaisir communicatif. Hauts en couleur, avec costumes de rouge et de jaune, les rythmes se voulaient communicatifs, tant et si bien que le public conquis dansait et tapait des mains, en synchronisme avec une chorégraphe qui, sur la scène, contribuait à rendre le spectacle aussi musical que visuel.
Multi-instrumentiste, le groupe en a mis plein la vue. Maintenir la cadence et les rythmes relevait assurément de l’exploit et rendait le tout captivant. Aucun temps mort, des enchaînements réussis à la perfection, ce qui a bien démontré l’ampleur des talents réunis dans une vaste gamme de sonorités.
Wesli effectuait cette année son deuxième passage à Rouyn-Noranda, mais il s’agissait de sa première véritable performance comme artiste principal. Né à Port-au-Prince en Haïti, Wesli s’est montré généreux avec la foule, souriant et nageant dans le bonheur. Sur place, au Petit-Théâtre, le public a pu goûter pleinement à la culture haïtienne et plonger dans la pure tradition musicale de ce pays.
Il est possible de rattraper une partie du spectacle de Wesli en écoutant son album Tradisyon paru en 2022. L’artiste y a puisé plusieurs titres pour le FGMAT. Figure reconnue de la scène musicale, Wesli s’est produit un peu partout dans le monde et a reçu plusieurs récompenses, dont un JUNO pour album de l’année en 2019 et un Félix pour meilleur enregistrement de musique du monde.
– Vicky Bergeron
« Garder son authenticité artistique avec tous les changements technologiques actuels est un vrai défi pour les artistes. Dans mon cas, je respecte beaucoup la tradition haïtienne qui constitue la base d’authenticité et la racine africaine, terre mère des ancêtres, d’où je viens, de laquelle j’apprends beaucoup. Je resterai toujours un élève dans cette immensité culturelle et musicale. Ma musique est un mélange de traditions, de bagages ancestraux et de mon vécu ici, au Québec. C’est sur cette base traditionnelle solide et ancestrale que je bâtis ma propre créativité.»
– Wesli
Wesli au FGMAT 2024, photographié par Christian Leduc
La famille Denuy
Vous promettez un spectacle « totalement absurde ». Comment défiez-vous les conventions musicales pour offrir une expérience inattendue à l’auditoire?
– Claudia Caron
« Justement, on ne défie aucune convention musicale! On joue, je pense, de la bonne musique western. C’est plutôt le concept même – et les textes – de La Famille Denuy qui est davantage absurde, puisque l’idée remonte à Paul et Paul… un trio qui faisait de l’humour absurde, il y a de ça 40 ans. Déjà, à l’époque, on chantait Bonjour Huguette et C’est Noël. On a poussé davantage le côté musical avec La Famille Denuy. Il faut dire que nous sommes tous des fans de country depuis fort longtemps. Qu’il s’agisse de Paul Daraîche, Waylon Jennings, Willie Nelson, Flying Burritos, Emilou Harris… il y en a tant de bons! »
– Claude Meunier
Claude Meunier et son groupe La Famille Denuy au FGMAT 2024, photographié par Christian Leduc