Dans la sérénité et le calme de Rouyn–Noranda, Giscard Bouchotte, le commissaire haïtien, tout juste arrivé de la trépidante Port-au-Prince, prépare Sons mêlés, une exploration sonore dévoilant l’essence de la diversité musicale haïtienne.
Cette exposition se tiendra du 7 juin au 6 octobre au Musée d’art (MA) de Rouyn-Noranda. Elle propose d’emporter le public vers une expérience immersive par l’entremise d’un mélange de traditions et d’expressions contemporaines. Coup d’œil sur l’exposition.
Une promenade À Port-au-Prince, une ville bruyante
Pour un voyage captivant, Sons mêlés retrace l’ambiance de chaos sonorequi règne à Port-au-Prince, la capitale d’Haïti. La cacophonie urbaine y prend tout son sens. Sirènes des officiels, sermons des églises du réveil, haut-parleurs des marchands de rues, klaxons des bagnoles génèrent une pollution sonore dingue. Dans ce tohu-bohu sonore, la moto remporte la palme. Certes, l’usage d’un deux-roues motorisé permet de gagner du temps en contournant les bouchons de circulation dans une ville où les règles de circulation n’existent que dans le Code de la route. Mais les oreilles doivent encaisser les 90 décibels du moteur et ceux de la radio à forte intensité sonore installée sur ce véhicule. On s’expose donc à plus de cent décibels, soit l’équivalent du bruit généré par un avion de ligne qui passe à 300 mètres au-dessus de notre tête.
Impossible de trouver le sommeil dans ces conditions, sauf pour les Haïtiennes et Haïtiens déjà habitués au rara et au carnaval en début d’année.
Le rara et le carnaval, des rythmes musicaux traditionnels revisités par les artistes
Au fil des siècles, les chants traditionnels dans les champs de canne ont inspiré les travailleurs et façonné l’identité musicale d’Haïti. Des rassemblements konbit aux cérémonies vaudou en passant par les festivités vibrantes du carnaval et du rara, la musique a toujours joué un rôle essentiel dans la culture et la vie quotidienne des Haïtiennes et des Haïtiens.
Le terme rara, qui signifie bruyamment, hautement, est un rythme musical qui se joue avec des instruments traditionnels produisant un effet lancinant. Du mercredi des Cendres jusqu’au dimanche de Pâques, cette musique folklorique sert de trame à une immense foule dansante et chantante, à travers les rues, au rythme du tambour. Elle suit la période carnavalesque qui prend fin le Mardi gras et dont les décibels équivalent à un concert de casseroles.
Aujourd’hui, le rara prend une extension irréversible. Il fait partie désormais de la scène musicale en République dominicaine sous le nom de gaga. Le groupe Arcade Fire s’en est même inspiré dans son album Reflektor, sorti en 2013.
Sons mêlés se distingue par sa vision novatrice de la musique, la considérant comme une source d’inspiration et un reflet de l’âme haïtienne. L’exposition propose de transcender les frontières de la musique conventionnelle pour explorer des territoires artistiques inexplorés avec une variété d’œuvres. Celles-ci regroupent vidéos, partitions musicales, mixtapes, archives sonores, instruments de musique traditionnels, péristyles, installations diverses, etc. Ces œuvres multidisciplinaires révèlent la profondeur et la puissance émotionnelle de la musique haïtienne.
Que l’on se passionne pour la musique ou que l’on souhaite simplement découvrir de nouvelles sonorités, l’exposition Sons mêlés promet une immersion inoubliable dans l’univers esthétique et musical d’Haïti. « Cette exposition, de l’avis de Giscard Bouchotte, s’intéresse dans le fond et dans la forme aux utilisations contemporaines du son par différents artistes qui s’emparent des traditions pour proposer de nouvelles expérimentations. » Elle combine donc le son et la cacophonie urbaine d’une manière agréable à l’oreille pour accompagner une déambulation dans les rues de Port-au-Prince.