« La danse m’a permis de me rencontrer comme humain et artiste », affirme David Rancourt d’un ton posé et franc. Joint à Montréal, il est aujourd’hui directeur artistique de PPS Danse. 

De ses premières années d’apprentissage au Studio rythme et danse, jusqu’à sa participation à plus de cinquante productions, comme danseur, chorégraphe et directeur artistique, David Lecours a su évoluer avec son art dans une forme de parcours organique, inné et inspiré. « La danse c’est la vie, mais avant la danse, c’est le mouvement. Quand je connecte intérieurement, je laisse spontanément venir les mouvements qui existent, qui sont en moi. Ça touche une sorte des sensibilités, des sortes de mystères indicibles, pour lesquels il n’y a pas de mots. C’est ce qui m’émeut à chaque fois. » 

C’est à l’âge de 7 ans que David Rancourt entre au Studio rythme et danse de Rouyn-Noranda. Il y suivra des cours sous la direction de Sylvie Régimbald et Martine Riopel jusqu’à l’âge de 17 ans. Il conserve de souvenir précieux de ces premières années de découvertes et de créations, qui ont pavé sa voie, notamment avec le concours régional Création danse, dans les années 1990.  

« Martine Riopel avait comme désir que les chorégraphies qui étaient présentées devaient être des créations des jeunes. Alors dès 9 ans, j’ai commencé à créer de courtes œuvres qui ont été les débuts de mon parcours créatif », raconte David Rancourt qui, à l’époque, se destinait à une carrière de comédien. Au secondaire, il était d’ailleurs inscrit en art dramatique. Puis, à 16 ans, la compagnie de danse O Vertigo s’amène au Théâtre du cuivre pour y présenter une production précédée d’ateliers. « J’ai assisté aux ateliers et j’ai vraiment pogné de quoi! », dit-il, mentionnant sa rencontre avec Marie-Claude Rodrigue, danseuse et chorégraphe, qui lui ouvre en quelque sorte les fenêtres vers un nouveau monde. 

Photographe : Marjorie Guindon

Avec une année à faire au secondaire, il s’exile à Montréal pendant l’été pour un stage auprès de O Vertigo. Il était le plus jeune danseur de cette cohorte – et sans doute le seul à avoir adopté le look fluorescent, confie-t-il en éclatant de rire.

Au moment des inscriptions au cégep, un concours de circonstances fait qu’il rate les auditions collégiales en théâtre… comme en danse. « Mais comme j’étais un garçon, et qu’il n’y en avait pas beaucoup dans le programme de danse, le Collègue Montmorency accepte de me passer en audition. J’étais plus fort que tous les autres candidats, alors le directeur m’a suggéré de m’inscrire à l’Atelier de danse moderne de Montréal (aujourd’hui l’École de danse contemporaine de Montréal ou EDCM) », résume David Rancourt, reconnaissant. 

Photographe : Élodie Renaux

ASPIRATIONS ET DURE RÉALITÉ  

Parmi ses nombreuses collaborations, David Rancourt a notamment pris part à des créations de Marie Chouinard, José Navas et Alan Lake. Il a aussi participé à Danse Lhasa Danse, un spectacle en hommage à Lhasa de Sela. Outre son poste de directeur artistique, il enseigne et continue de travailler avec Marie-Claude Rodrigue, l’une de ses muses. « Je sais que je suis privilégié. Je me sens comblé par le parcours que j’ai mené et aujourd’hui, j’ai à cœur d’aider à réaliser d’autres carrières et potentiels. » 

La réalité est cependant difficile. Il y a des passions, des talents, mais peu de places dans le milieu culturel. Vivre de la danse demeure difficile. « Même à PPS Danse, nous n’avons pas les reins assez solides pour assurer un temps plein à tous nos artistes. Plusieurs ont d’autres contrats ou un travail alimentaire pour subvenir à leurs besoins. L’incertitude et la précarité, ça me déchire. Pour un poste en danse, il y a des centaines d’autres artistes à statut précaire. C’est troublant », souffle-t-il. 

PERSÉVÉRER DANS UN CONTEXTE QUI ÉVOLUE 

S’il sait reconnaître sa position enviable, David Rancourt avoue avoir affronté des vents d’adversité. « J’ai été victime d’intimidation et d’homophobie tout mon secondaire, mais j’ai aussi eu des professeurs et des parents qui m’ont appuyé sans jamais remettre en question des décisions. Des amies aussi, principalement des filles, qui m’appuyaient. » 

Il se souvient être parti alors que les choses commençaient à changer. « L’ouverture de l’UQAT [Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue], l’arrivée d’étudiants de l’extérieur, le FME [Festival de musique émergente], le Festival de cinéma international : le visage et les couleurs de Rouyn-Noranda ont énormément changé. Dans les 20 dernières années, tous ces événements ont participé à une effervescence créative. Aujourd’hui il n’est pas rare d’y voir des artistes qui y vivent et qui choisissent d’y rester », analyse-t-il aujourd’hui. 

Il ne regrette pas d’avoir quitté sa région pour suivre sa passion, il a vite compris avoir fait le bon choix. « J’ai mis le pied là et j’ai senti que c’était ma place. Je me suis senti accueilli dès le départ. » 

LA DANSE AU CŒUR DE L’INTROSPECTION 

« La danse ouvre des portes et des potentiels par rapport à qui on est et par rapport à l’environnement. Ça peut être étrange, rigolo, triste, déchirant. Tout ça [va] au-delà des mots », suggère David Rancourt qui présente la danse comme une manière de plonger à l’intérieur de soi, à la recherche d’un accès à une vulnérabilité à une authenticité. « Mieux je me connais, mieux je suis en phase avec les différentes facettes de moi, comme individu, mais aussi de ma communauté. » 

Depuis quelques années déjà, la danse se fait plus visible avec des émissions télévisées, des compétitions de type téléréalité, etc. « Il y a une forte propension à ce que la danse soit véhiculée par son aspect compétitif et de performance athlétique. Certaines écoles en danse évoluent aussi avec cet aspect compétitif », note-t-il, exprimant un certain inconfort. 

En imposant cette vision de la performance, David Rancourt estime qu’on écarte la mission plurielle de la création en danse. « Mon amour pour ce développement est mitigé. J’adore voir que de plus en plus de gens voient la danse et qu’on présente la danse, mais faire passer la danse au niveau de sport, avec des prix à gagner et cette pression de devoir montrer tout ce que tu as dans une routine de deux ou trois minutes, je trouve que ça évacue le potentiel inné et libérateur de la danse », déplore-t-il. 

Selon lui, la notion de compétition et de spectacle vient renforcer aussi une idée que la danse demeure avant tout un divertissement. « Alors que c’est beaucoup plus. Elle permet de nous enseigner comme société, si on lui accordait la valeur qu’elle a. Ce que je souhaiterais, que tout le monde y goûte pour en faire l’expérience. » 

Photographe : Sirine Abdallah

Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.