Je monte et me dirige droit vers le siège qui m’est destiné. Ma place se trouve vers l’arrière du véhicule. Je fabrique un oreiller avec mon manteau, l’installe contre la vitre et me prépare à ce long voyage en autobus.
La décision de faire la route de nuit a été prise à la dernière minute, mais je m’étonne de ne pas être seul à avoir fait ce choix. Le chauffeur, lorsqu’il nous dicte ses consignes, annonce que nous sommes 43 personnes qui allons vers le nord. Le bus est donc presque au maximum de sa capacité. Beaucoup de gens font ce trajet le dimanche soir pour allonger leur séjour dans la métropole puis retourner au travail ou sur les bancs d’école le lundi matin.
Un solide gaillard s’installe à mes côtés, il écoute une musique que je distingue à peine, du hip-hop peut-être? Je le salue sans plus et m’endors en traversant Laval.
La 117 se parcourt dans un demi-sommeil, puis j’ouvre les yeux à Val-d’Or. Je vais prendre l’air et échange avec Serge, mon voisin de banquette. Il me raconte être débarqué de Bruxelles le matin précédent et être d’origine camerounaise. Son épouse demeure en Belgique avec leurs deux enfants de sept et trois ans. Ils attendent un autre enfant en mai…
Il m’explique qu’il a un contrat de travail de trois ans et qu’ensuite toute sa famille pourra venir le rejoindre. Comme je tente de savoir où il va travailler, il me donne des clarifications imprécises. Il ne sait pas quel sera son salaire horaire. Ça sera dans une épicerie, ai-je finalement compris, pour placer les victuailles sur les rayons durant la nuit. Quelqu’un l’attend au terminus à son arrivée. Il ne sait pas où il va habiter.
Je me demande s’il a été informé de la crise du logement que nous vivons. Comment arrivera-t-il à trouver un endroit où vivre dans des conditions acceptables? À titre de travailleur temporaire, il sera lié au même employeur pendant trois ans. Sera-t-il respecté? Après cette période, il pourra déposer une demande de citoyenneté. Les démarches demanderont encore beaucoup de temps. Finalement, très peu de travailleurs et travailleuses sans formation spécialisée, comme c’est son cas, obtiennent la citoyenneté. On parle d’environ une personne sur cinquante… Cela n’a pas de sens, ces lois doivent changer, Monsieur Legault!
Si mon périple s’arrête sur la rue du terminus Maheux, la migration de cet homme ne fait que commencer. Des gens courageux et vaillants comme lui, il en faudrait des centaines ici. Tous ces humains ont toutefois besoin de conditions de vie et d’accueil respectueuses.
« C’est une jeune région offrant une qualité de vie riche. Elle est reconnue et appréciée pour sa forêt boréale, ses lacs et ses ressources naturelles », peut-on lire sur le blogue d’Immétis, qui donne des renseignements sur l’actualité en immigration québécoise ou canadienne en parlant de l’Abitibi-Témiscamingue.
À nous de faire preuve de bienveillance et d’être à la hauteur de ces affirmations. Souhaitons-nous accompagner Serge et sa famille dans leur migration? Et comment se fait-il que je pose ces questions?