Le contraste ne saurait être plus tranché, plus divergent. D’un côté, l’artiste, souriante et pétillante, avec sa longue chevelure blonde et, de l’autre, des chambres à air de vélo éventrées et réduites en longues lanières de caoutchouc en fin de vie utile… ou presque. La mission de l’atelier K-OOTSHOO, c’est justement cela, « faire du beau, avec du moins beau ».

Karoline Létourneau est diplômée en métiers d’arts et impression textile à Montréal. Après avoir travaillé pour le Cirque du Soleil en teinture, dans l’équipe des costumes, elle revient en Abitibi-Témiscamingue. De fil en aiguille, elle met sur pied son atelier de création et de valorisation, à La Reine en Abitibi-Ouest.

« Le Cirque m’a donné un côté très structuré. J’y ai appris à reproduire des patrons, des couleurs et à créer des archives aussi. Ce n’était pas quelque chose que j’avais au départ, mais j’aime beaucoup le côté affaires et, pour réussir, tu n’as pas le choix d’être à ton affaire, justement! »

C’est, par ailleurs, en marge de son travail au Cirque du Soleil que lui est venu le désir de travailler avec le caoutchouc. « J’avais déjà vu des boucles d’oreilles faites de caoutchouc, puis une collègue au Cirque m’a donné un sac en cadeau fait en tripes de vélo. » Il ne lui en fallait pas plus pour avoir envie de pousser plus loin les possibilités que lui offrait cette matière première à la fois originale et singulière.

« Je suis une tripeuse de matières et de textiles. Le caoutchouc c’est quelque chose qui est venu me parler. C’est malléable, imperméable et c’est un mal aimé parce que c’est une matière finalement polluante et il est difficile de s’en débarrasser », explique Karoline Létourneau. Il faut dire aussi que le caoutchouc des chambres à air de vélo peut être travaillé à la machine à coudre. Un net avantage!


UN APPROVISIONNEMENT SANS CESSE RENOUVELÉ
« Je n’ai jamais connu de problème d’approvisionnement, même avec la pandémie, grâce à de nombreux partenaires. Sports experts à La Sarre, Rouyn-Noranda et Amos; Bélisle à Rouyn-Noranda; j’ai même des boutiques de vélo à Mont-Laurier et Saint-Sauveur qui me gardent du matériel. Tout le monde est emballé par le projet. »

Il faut savoir que le caoutchouc n’est pas un résidu commercial qui peut se recycler aussi facilement que d’autres. Le partenariat est ainsi gagnant-gagnant. K-OOTSHOO décharge les entreprises de leurs déchets pour les revaloriser sous une autre forme où le caractère durable et imperméable devient une valeur ajoutée pour les sacs ou les portes-feuilles. Karoline aime aussi intégrer du cuir, une autre matière durable, et des tissus qu’elle se plaît à agencer et sur lesquels elle peut imprimer des designs uniques. Les possibilités d’assemblages s’en trouvent décuplées.


VERS DES TEINTURES PLUS NATURELLES
Pour teindre ses pièces et ses tissus, Karoline Létourneau utilise des colorants à faible impact environnemental depuis des années déjà, mais elle souhaite aller plus loin dans cette voie. « J’aimerais aller vers quelque chose de plus naturel. C’est dans mes désirs de teindre de manière plus naturelle. Le moins d’impacts qu’on peut laisser, mieux c’est. C’est le but de K-OOTSHOO », souligne-t-elle.

Dans ses efforts pour réduire son empreinte, elle garde contact avec le Centre design et impression textile à Montréal. « Si j’arrive à teindre de manière naturelle, je serai vraiment contente », assure-t-elle.


Native de Palmarolle, en Abitibi-Ouest, c’est une fierté pour elle d’y avoir son atelier, sa production et sa boutique en ligne. « J’aime aussi faire les marchés publics. Ça permet de créer quelque chose d’unique, d’expliquer aux clients comment c’est fait et de leur faire prendre conscience que c’est parfois plus difficile de travailler avec des vieilles affaires qu’avec du neuf. C’est une manière aussi d’expliquer ma démarche. »

Et si son inspiration peut lui venir de partout, Karoline Létourneau compte aussi sur son équipe de « Colombo », comme elle les appelle. Ce sont des personnes qui, comme elle, font le tour des friperies et d’autres magasins de bric-à-brac et qui dénichent parfois des trouvailles qui pourront revenir sous une autre forme.


Auteur/trice

Lise Millette est journaliste depuis 1998, tant à l'écrit qu'à la radio. Elle a également été présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). En Abitibi-Témiscamingue, elle a été rédactrice en chef de L'Indice bohémien en 2017 et depuis, elle continue de collaborer avec le journal.