C’était il y a un peu plus de vingt ans maintenant. En 2001, un professeur d’économie faisait la promotion d’un nouvel indice, l’indice bohémien, qu’il décrivait dans son livre The Rise of the Creative Class. Pendant près d’une décennie, cet ouvrage est devenu une référence pour plusieurs acteurs, selon une analyse publiée sur le site Scholars at Harvard, lié à l’université du même nom aux États-Unis.
On y fait notamment référence aux emplois et aux fonctions de plus en plus nombreuses liées au milieu culturel et artistique, ainsi qu’aux autres métiers où les aptitudes créatives sont fortement valorisées. On y mentionne que « la créativité est au 21e siècle ce que la capacité de pousser une charrue était au 18e siècle ». L’indice bohémien vient aussi déterminer la concentration de musiciennes et musiciens, d’écrivaines et écrivains et artistes, toutes disciplines confondues, qui vivent principalement de leurs disciplines au sein d’une même communauté ou agglomération.
Si on extrapole un peu, on peut conclure que les sociétés les plus « bohémiennes » ont une meilleure qualité de vie, qu’elles sont à la fois plus prospères, ouvertes et stimulantes, ne serait-ce qu’au chapitre de la vie communautaire et sociale. Les villes canadiennes de Vancouver, Toronto et Montréal font partie du top 10, alors que Los Angeles trône au sommet, en raison d’une concentration évidente d’artistes, liés notamment au milieu cinématographique.
Même si les municipalités régionales ne parviennent pas à se hisser dans les données officielles de cet indice, on peut bien évidemment se poser la question : comment se porte notre créativité? Le maintien des activités artistiques, malgré les restrictions sanitaires, et les projets collectifs qui continuent d’émerger et de rassembler dans les cinq MRC de la région témoignent à mon sens de cette effervescence et de cette envie du beau, du bon et du vrai.
Il en va parfois d’un sentier des Souvenirs à Val-d’Or, des sculptures aménagées dans un parc près de la rue Principale à Palmarolle, des fresques colorées au centre-ville de Rouyn-Noranda, d’une troupe déambulatoire à Amos où se greffent des membres de la communauté de Pikogan, de projets d’œuvres dissimulées au Témiscamingue ou encore de grandes murales un peu partout dans la région pour nous rappeler que la créativité est ambiante.
Cet esprit fondateur qui fait un pied de nez à l’adversité et à la rigueur des éléments est intrinsèque et profondément ancré dans un mécanisme de survie. Comme le pin ou le cèdre qui trouvent le moyen de prendre racine à fleur de roc et dont les racines s’enfoncent parfois dans des fissures de la pierre pour ensuite surplomber le lac, ainsi en va-t-il des gens d’ici.
Dans une ère trouble, la créativité permet de survoler les situations angoissantes. Et de la créativité découlent l’inventivité et l’ingéniosité. Faire autre ou faire avec, trouver de nouvelles solutions ou des réponses neuves à des situations complexes font partie des savoirs d’ici.
Sans pouvoir le chiffrer de manière précise, j’ose croire qu’en Abitibi-Témiscamingue, le Boho Index, comme on le désigne dans les milieux anglophones, se porte bien. Et à défaut de le chiffrer, la région a su mettre sur pied, de manière inventive et créative, son Indice bohémien : un journal qui vient témoigner de cette vitalité culturelle et sociale et cette cohésion humaine.
C’est un plaisir de feuilleter ces pages et de réaliser qu’en Abitibi-Témiscamingue, il existe du beau, du bon, du grand et du vrai.
Bon été de découvertes!