C’est cette année qu’a eu lieu la 40e édition du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue (FCIAT), et l’atmosphère festive qui a régné toute la semaine a su témoigner du succès de cette mouture toute spéciale.

Bien sûr, les grandes rencontres du cinéma (Gainsbourg, Carle, Lelouche…) qui ont lieu au Festival ces quatre dernières décennies ont été soulignées et les nouveaux cinéastes, encore applaudis. Le talent d’ici s’est démarqué, une fois de plus. Nommons entre autres les lauréats du Prix de la relève Desjardins, qui souligne la création d’ici : Magali Ouimet (étudiante au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue) pour son film En 8 temps et Maxim-Olivier Lavallée (étudiant de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue) pour son film d’animation La Livraison.

Il y a eu de grands moments d’émotions (France, Ça s’est bien passé, La vie devant moi, Migrants, pour ne nommer que ceux-ci). Mais surtout, il y a eu une variété remarquable de genres de films. Impossible de passer sous silence le film de zombies Brain freeze, une première pour le Festival, mais c’est principalement sur le documentaire, le film d’art et le film de danse que je veux orienter les projecteurs.

Antoine Lajoie-Côté a offert un documentaire qui présente l’artiste rouynorandienne Marthe Julien. Ce diplômé en cinéma du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue a connu la joie immense de pouvoir présenter ce film sur l’art à un public hétérogène. En filmant Marthe Julien dans son atelier, dans son univers créatif, il espérait rendre plus accessible le quotidien de la vie de l’artiste. Soucieux de valoriser ce métier auprès des jeunes et de valider ses propres questionnements artistiques par le fait même, il a basé son film sur un lien direct avec l’artiste. Montrer que l’art est partout, que l’art peut prendre toute la place, voilà le message du jeune cinéaste. Marthe Julien elle-même avoue avoir été intimidée, au début, de se placer dans la position du sujet du documentaire, et ce, malgré une carrière en enseignement des arts au Cégep. Le regard des autres a changé de point d’ancrage et si elle a été déstabilisée, elle a vite repris son souffle et a pu offrir à Antoine Lajoie-Côté un accès direct et privilégié à son univers.

Le film Xiomata, de la cinéaste Béatriz Mediavilla, a quant à lui offert un regard onirique sur la danse, dans un décor naturel enivrant de lacs et de forêts. Première mouture de son film à paraître, Xiomata présente un groupe de danseurs et danseuses grandiose dans son hétérogénéité. Les mouvements s’enchaînent, et les prises de vues renversent parfois carrément notre rapport au corps, au mouvement, à la ligne d’horizon. Très poétique, ce court film de danse a su insuffler au public une admiration bienveillante et il a offert un moment hors du temps, contemplatif.

Présenté lors du même bloc que Xiomata, le film Ils dansent avec leur tête, du cinéaste d’animation et professeur à l’Université du Québec à Montréal, Thomas Corriveau, a aussi plongé le public dans un univers onirique. C’est avec plus de 2000 images réunies, peintes à l’acrylique par l’artiste, que l’univers se construit. Une fable aux accents mythologiques expose une tête abandonnée sur une île, à la merci d’un aigle; cette tête appartient à un ancien danseur, devenu chorégraphe, qui souffre maintenant de solitude. Il nous voit et tente de nous expliquer tout son amour de la danse, des danseurs, et de ce rapport à la tête dans la danse.

Malheureusement, Sisyphe moderne, il est interrompu par son aigle. Le personnage est interprété par Marc Béland, acteur qui a lui-même été danseur au début de sa carrière, notamment au sein de La La La Human Step : sa connaissance du rôle de l’interprète nourrit la narration du film, créée en partie par improvisation. D’ailleurs, film surprenant s’il en est un, Ils dansent avec leur tête fait glisser les spectateurs dans un univers désaxé comme celui de Xiomata, où la ligne d’horizon bascule parfois, mais avec une texture plastique bien différente. Thomas Corriveau a voulu mettre le portrait au centre de cette œuvre cinématographique, et il a utilisé des séances de danse improvisée pour construire son visuel. Subjugué par l’art de la danse, du mouvement, il a voulu lui rendre un hommage dans cette œuvre.

Pour terminer, notons que c’était la première présence de Thomas Corriveau au FCIAT. Pourquoi avoir choisi de soumettre son film, alors? C’est après avoir pris connaissance de la réputation du Festival, surtout. L’accueil chaleureux et l’intelligence artistique des festivaliers lui confirment qu’il a eu raison de venir.


Auteur/trice

Après avoir enseigné le français, le théâtre et la littérature au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, Gabrielle Demers oeuvre dans le domaine de la pédagogie universitaire. Elle s’adonne aussi à la performance, aux installations artistiques et aux arts imprimés. Elle se questionne sur les enjeux actuels liés à la féminité dans l’espace public, entre autres.