Le conteur de La Motte Pierre Labrèche est en tournée régionale pour son spectacle Homme de lettres, l’espace-temps d’un pas. En partenariat avec le Réseau Biblio, celui qu’on appelle le facteur de contes aura visité près de vingt municipalités rurales de l’Abitibi et duTémiscamingue d’octobre à décembre. Le spectacle est en quelque sorte la continuité de son livre Homme de lettres, les chroniques d’un facteur, bien qu’il ne soit pas exclusivement basé sur celui-ci.

Nous avons discuté au téléphone alors qu’il s’apprêtait à aller se balader dans les rues de Ville-Marie. La tournée de cette année, les joies de travailler en collaboration avec d’autres artistes, la foule de projets auxquels il donne son temps – sans compter –, sa participation à une résidence de création dans la déjà mythique ville de Saint-Élie-de-Caxton et même son amour pour la musique de Noël (il en possède environ 500 albums!) ont bien rempli notre conversation.

LE FACTEUR DE CONTES ENGAGÉ

Être facteur se retrouve au centre de l’œuvre de Pierre Labrèche, que ce soit à travers les histoires qu’il raconte ou le livre qu’il a écrit avec l’illustratrice Annie Boulanger. Homme de lettres tire d’ailleurs son nom des lettres que l’on écrit et l’on reçoit grâce au passage du facteur. « Au centre du métier de facteur, il y a la rencontre. J’ai toujours aimé ça jaser avec le monde, établir une conversation publique. Les facteurs sont au cœur des communautés. » Même s’il est retraité de la poste, Pierre Labrèche retrouve ce qu’il en aimait tant dans le monde du conte, surtout après la dernière année et demie qui vient de passer. « Les gens sont heureux de se retrouver entre eux, de se revoir, de jaser. Après les spectacles, il y a toujours une espèce de discussion spontanée qui s’installe. C’est vraiment l’fun de voir la conversation citoyenne qui reprend. »

D’aussi loin qu’il se souvienne, Pierre Labrèche a toujours écrit. Il a commencé par écrire des textes « géopoétiques », qui prenaient souvent la forme de chansons : « J’ai un tout petit talent musical, je n’aurais pas pu devenir chanteur, mais j’aime beaucoup utiliser la musique dans mes spectacles. » Le conte s’est invité dans sa vie au début des années 2000, alors qu’on sentait un renouveau au Québec et que de nombreux festivals comme celui de Val-d’Or commençaient à voir le jour un peu partout. Pierre Labrèche a découvert que ce moyen d’expression était une bonne façon de raconter ses histoires tout en parlant de ses préoccupations sociales. Ayant étudié en géographie sociale, des enjeux tels que la dévitalisation des régions lui tiennent beaucoup à cœur, mais il y a autre chose : « On peut parler de racisme à travers des histoires rigolotes, de l’histoire de notre région et des gens qui l’ont forgée. » Ce besoin de parler est d’autant plus important aujourd’hui : « On a besoin, collectivement, de se retrouver. La pandémie a exacerbé des choses, a exacerbé des enjeux. Le racisme, l’exclusion sociale, la pauvreté. Si le travail artistique peut faire en sorte que les gens recommencent à socialiser, à se parler, à être bienveillants les uns pour les autres… C’est ça mon rêve. » On sent l’importance de la discussion, de la rencontre et de la bienveillance dans tous les projets du conteur. D’ailleurs, quand il était facteur, il ne manquait pas une occasion de jaser avec des connaissances au coin d’une rue ou dans l’entrée d’une maison.

LE PLAISIR DE COLLABORER

Dans le but de pousser sa création encore plus loin et de « frotter son univers à celui d’autres personnes », Pierre Labrèche a eu le goût de s’entourer d’autres collaborateurs. Il a donc d’abord travaillé avec Alexandre Castonguay sur la conception, la mise en scène et les textes d’Homme de lettres, l’espace-temps d’un pas. Cette collaboration a amené le conteur à réfléchir à la façon dont avait personnellement vécu le métier de facteur, sur le « bonhomme » qui l’a été. Puis, Félix Cossette-Tardif a créé un environnement sonore pour le spectacle.

Cet amour pour la collaboration se traduit aussi par beaucoup d’implication et de projets culturels et sociaux : « Des idées pour des projets, j’en ai tout le temps, tout le temps, tout le temps eu! […] Quand on m’interpelle pour un projet, je réponds présent! J’aime les collaborations, c’est stimulant. » On ne s’étonne donc pas qu’il occupe son temps libre à animer des spectacles, à organiser le Show de La Motte ou à contribuer à l’organisme La Pariole!

Pour le reste, l’aventure d’Homme de lettres, l’espace-temps d’un pas devrait se poursuivre en 2022. Pierre Labrèche planche aussi sur un autre spectacle, La Grande Ourse, qu’il aimerait aussi présenter très bientôt.


Auteur/trice

Passionnée de culture depuis toujours, Jade a décidé de s'impliquer comme rédactrice bénévole à L'Indice bohémien il y a quelques années. Couvrir des festivals comme le FME, la FÉE ou le FRIMAT a été une façon extraordinaire de rencontrer des artistes et de vivre ces événements à fond! Elle a ensuite poursuivi son aventure au journal en tant que coordonnatrice à la rédaction et aux communications entre 2021 et 2022.